FUNKY « CHRIS »

 Voici une artiste qui force le respect, pour plusieurs raisons. Première : devenir populaire et surtout le rester pendant quatre ans avec un premier album, c’est tout simplement prodigieux. Deuxième : savoir prendre son temps et revenir avec un tel album en osant et en se mettant en danger, c’est l’essence même de l’artiste.

Le plus important ici, ce n’est pas l’image. Pourtant, Christine ose s’afficher avec un look androgyne sans ambiguïté. Mais, c’est du marketing techniquement bien ciblé. Le plus important ici, ce ne sont pas les chansons. Pourtant, Chris démontre pour la seconde fois un vrai talent pour l’écriture, la composition et la production.

 Dam funk

Non, ici l’important c’est l’équipe. Celle qu’elle a choisi pour porter haut ses titres. Tout amateur de funk et de musiques urbaines des quarante dernières années sera forcement impressionné. Bon, des noms ! Me demanderez-vous impatients que vous êtes. Ok ! Aux claviers et programmations rythmiques : « Dam-funk » alias Damon Garrett Riddick, petit génie de la côte Ouest des USA à qui l’on doit, entre autres, le superbe « Invite The Light » de 2015. Incontournable depuis quelques années.

 Aux claviers toujours, à la bass et au piano : David Franck ! Comment ? Vous ne le connaissez pas ? David Franck avait apporté un son innovant dans les années 1980 avec son groupe « The System ». Entre 1985 et 1987, il fait partie de ceux qui mettent une bonne dose d’électronique dans le funk, méthode qui mènera à l’avènement du genre « new-jack swing » en 1987. Il est sur l’album.

À la guitare : Marlon McClain. Vous ne savez pas qui est ce monsieur ? Pourtant il était le guitariste et membre permanent des Dazz Band, groupe funk culte que vous avez écouté toute votre jeunesse. Point commun avec David Franck et Dam Funk : un goût prononcé pour l’électronique dans le funk, marque de fabrique des Dazz Band.

Bass : Lance Tolbert. Ok, j’ai compris. C’est juste le bassiste incontournable dans la musique « black » américaine depuis dix ans. Le monsieur a joué avec Johnny Gill, Charlie Wilson des gap band, Rahsaan Patterson, Mariah Carey, Kenny Lattimore et d’autres. Il est également un excellent compositeur et producteur.

Cole M.G.N., enfin, est un peu le chef d’orchestre de cet album. Originaire lui aussi de la côte Ouest, c’est un pote de « Dam Funk » qui a travaillé avec Beck, Snoop Dogg et Anderson Paak, pour ne citer qu’eux.

« Ouais, on peut avoir les meilleurs et faire n’importe quoi ! » Certes ! Pas ici. Après avoir prouvé son talent pour rassembler les bons (un vrai talent en vérité), elle délivre une musique fraiche, urbaine, groovy à souhait mais grand-public : tour de force ! Un son funk californien très 1980’s façon « Carol Lynn Townes » mais également très contemporain. Une espèce de soul-R&B parfois planant (« Girlfriend », « Make Some Sense »), parfois torride et groovy comme un « Anomalie » de Montréal (« Damn What Must A Woman Do »). Un funk parfois même teinté de hip-hop. L’objectif ici est peut être de se faire plaisir après les retombées financières d’un premier album qui s’est vendu pendant trois ans. Objectif atteint. Bel album qui devrait lui permettre de vendre large tout en gagnant le coeur et le respect des connaisseurs. Non, sérieux, RESPECT !

Christine And The Queens « Chris » (2018, Because Music)*** Acheter vinyle

 

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