Tony Allen : Rencontre

Tony Allen Ce nigérian est un artiste emblématique de sa génération. Autodidacte, il commence à jouer de la batterie à l’âge de dix huit ans tout en travaillant comme technicien dans une radio. En 1964, la rencontre avec Fela Kuti est déterminante. 

Tony Allen - Film Of Life Ensemble, ils jouent le jazz avant de créer leur style baptisé « highlife ». En 1969, ils forment le groupe « Africa 70 » et leur réputation est internationale. Lors d’une tournée en Amérique Du Nord, ils découvrent la musique de James Brown, Max Roach et Art Blakey. Leur musique subira ces influences.
Mais, malgré une popularité grandissante, leur groupe affronte de nombreux obstacles : Problèmes financiers, discrimination raciale et pressions politiques. En 1974, Tony Allen est arrêté lors d’une rafle dans les townships et séjourne trois jours en prison. L’année suivante, très marqué par cet événement, il sort l’album « Progress ».

Après un dernier concert avec Fela et le « Africa 70 » au « festival de jazz de Berlin » en 1979, Allen continue avec son groupe « Lagos ». Il s’installe en Europe en 1984.

Fela Kuti Fela

Ce batteur a été le directeur artistique de Fela pendant plus de dix ans. On lui doit la création de l’ »afro-beat » qui a tant influencé des artistes comme Keziah Jones. En solo, il a toujours refusé de stagner, toujours à l’affût de nouvelles expérimentations. Il a successivement incorporé le funk, le dub et même le hip hop à ses origines africaines. Aujourd’hui, il s’essaie même à la musique electronique.

Rencontre avec celui qui a aussi accompagné Ray Lema et Manu DiBango, entre autres.

Musiculture: Vous considérez-vous comme un arrangeur ou comme un batteur ?

Tony Allen : Je suis les deux, pas plus l’un que l’autre. Même si je passe mon temps à écrire, je joue également beaucoup. Si j’ai un invité sur mon album, alors ma casquette d’arrangeur prend le dessus mais je suis les deux, arrangeur et batteur.

Musiculture : Comment vous est venue l’idée du ‘highlife’ ?

Tony Allen : Cette musique existait déjà, c’est une musique traditionnelle dans toute l’Afrique de l’Ouest. Mais, avec Fela, nous avons apporté un plus, surtout au niveau rythmique. Nous l’avons fait évoluer parce que nous avons tout joué et avec une multitude de personnes. Nous avons appris la musique avec cet état d’esprit, savoir tout jouer.

Musiculture : Vous avez effectivement tout joué, funk, rock, afro-beat…Où trouvez-vous cette capacité d’adaptation ?

Tony Allen : Je m’ennuie vite. Je me lasse de tout et assez rapidement. A chaque fois que l’ennuie me prend, je cherche une musique de remplacement. Je ne peux m’empêcher de chercher. Pour cela, je rencontre beaucoup de monde, je voyage régulièrement. Avec Fela, nous avons fait de l’Afro-beat un rythme unique, bien installé. Alors maintenant, tout dépend du nombre de personnes qui vont se reconnaître dans cette musique, dans ce concept. Et puis je ne veux pas m’enfermer dans un seul genre. 90% des musiques d’aujourd’hui ont une base afro-beat alors j’explore autre chose, comme l’électronique.

Tony Allen

Musiculture : Pour vous qui avez connu l’oppression politique et la discrimination, est-ce que la musique est une arme ?

Tony Allen : Oui, absolument. La musique est une façon de combattre la discrimination. Si chacun respectait l’autre et prenait en compte la philosophie de l’autre….Si on écoutait un peu plus autrui et si l’on cherchait un peu plus à apprendre de l’autre, alors tout irait mieux. La musique peut changer ça, toutes ces frustrations. Et le monde politique devrait prendre exemple mais ils n’écoutent personne…Mais je ne veux pas en parler davantage.

Musiculture : Il y a quelques années, les grandes majors du disques s’étaient installées au Niger puis elles sont partis. Ne pensez-vous pas que votre pays a manqué un grand rendez-vous pour son avenir artistique ?

Tony Allen : Oh ! En fait elles étaient déjà là depuis bien longtemps mais elles sont partis avec l’arrivée des militaires et leur politique de merde. Je ne crois pas que le pays en ait souffert, ni moi. D’ailleurs, je n’ai jamais souffert de la politique en général. Je ne suis pas un réfugié, j’ai choisi de vivre en France et je retourne régulièrement dans mon pays. J’ai même été invité par le centre culturel Français du Niger. Je suis comme un ambassadeur.

Musiculture : Quels souvenirs gardez-vous de la période passée avec Fela ?

Tony Allen : C’était une grande période, la plus grande. Il n y a personne comme lui, je ne voie plus d’individu de cette trempe. Il était la vie, c’est une institution. Etre avec lui, c’était se sentir plus fort grâce à des choses qui ne s’apprennent pas dans les écoles comme l’idéologie, la conception de la vie. On ne vous enseigne pas ça, vous l’apprenez avec la vie. Il m’a apporté énormément.

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Musiculture : Où êtes vous le plus à l’aise pour créer ?

Tony Allen : En France ! J y vis depuis vingt ans. Il y a de grandes facilités pour travailler dans ce pays. J’écris tout chez moi puis je rentre en studio avec mes musiciens, souvent au ‘studio Bleu’ ou au ‘studio plus’.

Musiculture : Aimeriez-vous travailler avec certains artistes ou producteurs ?

Tony Allen : Pas vraiment. Je suis disponible et si un artiste me demande, je voie en fonction de son passé et de ses talents mais je ne fais pas d’ego-trip. S’ils me demandent, je suis prêt à travailler avec eux.

Musiculture : Quel est votre avis sur l’industrie du disque ?

Tony Allen : Ca devient fou, complètement fou ! Les mieux adaptés survivent dans un tel contexte. C’est comme dans la chanson « Survival Of The Fittest ». Moi, je fais ce dont j’ai rêvé pendant des années…. je joue, c’est tout. J’utilise les nouvelles technologies. De toute façon, on ne peut rien contre le développement alors il faut savoir suivre et bouger avec le progrès. J’écoute toutes les musiques et je choisis celles que j’apprécie. C’est la meilleure façon de survivre : Vivre avec son temps !

Nouvel album : Film Of Life (2014, Harmonia Mundi)***

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