C2C, « Coup 2 Cross » : Vous pensiez avoir affaire à une nouvelle formation ? Que nenni ! Ce groupe existe depuis la fin des années 90, 1998 pour être précis.
Les amateurs de hip-hop connaissent bien C2C. En effet, des DJ français quatre fois champions du monde « DMC », c’est totalement inédit. Même DJ Cut Killer ou DJ Dee Nasty n’avaient pas atteint ce palmarès. Et puis C2C, c’est l’association de deux membres des « Hocus Pocus« (DJ Greem et 20syl) et de deux membres de Beat Torrent (Atom et Pfel), formations qui ont dominé le hip-hop de la décennie 2000. Ces gars ont donc déjà derrière eux des parcours de quinze ans et des carrières réussies avec leurs groupes respectifs.
MAIS, là c’est différent. Bien sûr la technique est irréprochable. Mais le point fort de ce projet, ce sont les idées, le concept. Dans un milieu du disque en berne, C2C se permet de vendre plus de 200 000 exemplaires CD ! Ça peut fâcher. De plus, leur musique est partout, dans de nombreux habillages de publicités télé et dans le générique du « grand journal » de Canal +. Ils ont réussi quelque chose de prodigieux en 2013 : Produire un son neuf ! Un album unique et ça, croyez moi, c’est très fort à une époque où l’on pensait que toute les fusions avaient été expérimentées. Comment est né cet album ? Comment vivent-ils ce succès ? Nous l’avons simplement demandé à DJ Greem avant leur entrée sur scène au festival « Musilac » d’Aix-les-Bains, Savoie.
Musiculture : Comment est venue l’idée de cet album, son concept original ? L’idée des samples, des clips.
DJ Greem : Comme tu le sais, notre culture de base, c’est le hip-hop. Cette culture nous a profondément marqué avec des groupes comme « A Tribe Called Quest », « Pharcyde », « Blazay Blazay », « Wu Tang »…Ensuite, ce qui nous a interressé, c’est les boucles, trouver les origines des samples, l’envie de découvrir. Le hip-hop nous a amené vers une multitude d’influences : Soul, jazz, funk, bossa, rock, musiques indiennes… On adorait les « mix tapes » et ces soirées où des mecs mixaient un titre avec son original. Donc, notre méthode, c’est ça : Une batterie qui tourne et des samples, des boucles pris sur pleins de disques différents parce que nous sommes passés du hip-hop à des univers différents.
Musiculture : Mais vous aviez la matière ?
DJ Greem : Ouais, avec 20syl, on a fait des brocantes, des « routines » de DJ et on prenait des disques obscures de blues, de zouk, des trucs avec des noms et des pochettes improbables achetées genre 1 ou 2 francs à l’époque. Et on se disait : « Y aura toujours un truc à prendre ! ». Plus c’est barré, plus c’est frais. Tout ça a élargi notre horizon mais la base est toujours hip-hop avec une grosse batterie, un gros beat. Au début des championnats « DMC », on avait déjà cette mentalité. Si tu regardes le tout premier passage des C2C aux « DMC », y’avait du raggae, de la house, du jazz…Plusieurs styles avec de gros breakbeats. La logique est donc respectée entre nos shows de 2001-2006 et l’album « Tetra ».
Musiculture : Combien de temps entre l’idée et la sortie de l’album ?
DJ Greem : En fait, ça s’est fait en deux temps. En 2005, on a déjà trois titres de « champions du monde DMC » derrière nous et on commence à bosser sur le projet. Mais Yann, notre manager, nous demande de poursuivre sur « Hocus Pocus » parce qu’il sent un vrai buzz. Dans le même temps, Atom et Pfel s’investissent dans « Beat Torrent » avec une direction plus electro et des trucs plus clubs. Sur cette période, on ne se perd jamais de vue. D’abord parce qu’on est pote, ensuite parce qu’on se croise sur des dates clefs comme l’Olympia. Mais, à chaque date des « hocus », le public est toujours là pour poser la question : « Alors, vous en êtes où avec C2C ? ». Entre 2006 et 2010, on tourne beaucoup sur nos deux projets respectifs. Et un jour, tu sens que ça s’essouffle, que tu as un peu fait le tour… Et en septembre 2010, on s’est réuni tous les quatre chez 20syl pendant un mois pour faire des maquettes, une centaine… On en a choisit quinze pour les développer correctement.
Musiculture : Dans les années 90, un certain Jay Jay Johanson nous avait marqué avec son style aérien, nostalgique et sa voix particulière. En voyant son nom sur l’album, je ne pouvais pas croire que c’était le même. Pourquoi lui ?
DJ Greem : Rires !…Tu t’es dit : « C’est qui ce rapper ? ! ». Rires… On le connaissait de nom. Sur ce titre, on voulait une voix aérienne et blanche. L’important pour nous, c’est d’avoir des couleurs différentes, des contrastes. Sur un titre hip-hop, une voix rock, sur un titre soul, une voix blanche… Faire des pieds de nez, surprendre, être là où on ne nous attend pas. Au départ, on était parti sur Peter Von Poehl pour ce titre. Et puis il y a eu une connexion entre son management et notre maison de disques. On a réalisé qu’il était super motivé et on a bossé ensemble. Avec la magie d’internet tout s’est fait sans jamais se rencontrer. Il a beaucoup aimé le résultat parce que nous n’avons pas dénaturé son travail. Et il nous a laissé libres. On aimerait vraiment le rencontrer.
Musiculture : Un jour, on sort un album et c’est un phénomène, on gère ça comment ?
DJ Greem : En fait, le E.P. était déjà un ovni. On avait à peine sorti 5 titres et déjà l’accueil était énorme. Derrière, on savait qu’on avait encore 10 titres et du lourd ! Les radios et les festivals nous voulaient déjà et ensuite tout est allé très vite.
Musiculture : Mais on se dit quoi à ce moment là ?
DJ Greem : Pas grand chose ! Tout s’est bien enchainé. Il y a eu les championnats du monde, puis les « live » et la communication que nous en avons fait puis Hocus, Beat Torrent…Toutes ces expériences cumulées ont créé l’attention. Et puis il y a eu le « bouche à oreille » de nos fans, le clip de « F.U.Y.A. », fait maison puisque réalisé par 20syl, qui enregistre 100 000 vues et qui nous ramène des « victoires de la musique ». On s’est pris la tête pendant un an pour préparer un « live » avec de l’image, un concept très dynamique. Le premier « live » de la « Gaieté lyrique » aurait pu remplir la « Cigale » qui elle même aurait pu remplir un « Zenith »… Nous avons fait les choses dans l’ordre.
Musiculture : Si je pense à DJ Krush sur « F.U.Y.A. », ça correspond à vos influences sur ce titre ?
DJ Greem : Non. C’est trop facile parce qu’il est asiatique. Mais là encore, c’est la confrontation des cultures : Un gros beat, une bass synthé et du kudo traditionnel japonais. C’est ce qu’on aime.
Musiculture : Parlons un peu de votre visibilité. On vous entend partout, sur les habillages pub, sur canal, qui est responsable de ça ?
DJ Greem : Personne ! Il y a juste eu un engouement fort. La fraîcheur de « Down The Road » a plu à beaucoup de gens dont l’équipe « Google » avec ce clip cool dans l’image avec ce véhicule écolo. L’impact de ce spot « Google » avec à chaque fois 1 minute de notre titre plus les radios, ça nous a bien aidé, c’est sûr ! Il se trouve que les publicitaires sont toujours à la recherche d’un titre qui collerait bien à leur image et là, notre musique était parfaite au bon moment. « Dr Pepper », une boisson américaine genre Coca a aussi choisi « Down The Road ». Tout cela met vraiment notre travail en avant. Et ça fait parti du business de la musique.
Musiculture : C’est sûr ! En tournée, combien de pays visités et combien de concerts entre fin 2012 et aujourd’hui ?
DJ Greem : Je crois qu’on doit être à plus de 200 dates depuis janvier 2010. Il y d’abord eu la « Gaieté lyrique » puis les festivals d’été, une tournée des « zenith » pratiquement complète. Ensuite Belgique, Suisse, Allemagne, le « Sonar » en Espagne, le Danemark, la Suède et les Etats-Unis pendant un mois. Bientôt le Japon…
Musiculture : Enfin, parce que tu dois avoir faim et que le concert est dans moins d’une heure, je voudrais juste savoir si pour Hocus Pocus vous marquez une pause ou si c’est fini.
DJ Greem : On verra. Tout dépend de 20syl parce que c’est lui qui écrit tout. Après un projet comme C2C, on a de la matière pour aller dans de nombreuses directions…
Ensuite, un show d’environ 1h20 a suivi, sans temps mort. Des prouesses techniques, deux batteurs, une section de cuivres avec Thomas Faure (membre d' »Electro Deluxe » et déjà dans les tournées d’Hocus Pocus) au saxophone, une jeune rappeuse américaine talentueuse et une ambiance de DINGUE !
Christophe Augros.