CISSY STREET : « groovement » malade !

 Il fut un temps où funk flamboyant côtoyait musiques brillantes de Carlos Santana ou Jimi Hendrix. Les frontières entre genres n’existaient pas encore. « Cissy Street » remet cette époque au goût du jour.

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En place depuis 2017, ce groupe funk donne de nouvelles lettres de noblesse au genre. « Cissy Street » joue des compositions originales gorgées de groove et de soleil. Les solos sont légion et les mélodies redoutables. Mais le plus important ici : le GROOVE !

Entre 2017 et 2020, deux albums qui nous ramènent au temps des Gap Band, Meters, Bar-kays, Ohio Players, Isley Brothers, The Reddings, au temps du funk acoustique proche du rock, ce temps où les guitares électriques ne se cachaient pas, au contraire. Jimi Hendrix n’a-t-il pas débuté avec les Isley Brothers ? Et bien les Cissy Street s’inspirent de cette époque avec brio.

Ce collectif n’oublie pas non plus qu’avant l’arrivée du rap, le funk était une musique souvent revendicative, engagée. « Stax » avait porté hautes les couleurs de ce funk là, les musiciens de Washington également avec leur « go-go funk ». Là encore, les Cissy Street s’inscrivent dans cette école. Leur funk est porteur de lutte tout autant que de danse.

Ça joue et ça joue bien ! Cuivres, percussions, batterie en avant, guitares électriques et rythmiques, joie de jouer, ces gens là sont « groovement » malade et il n y a pas de remède contre ça, tant mieux ! Rencontre.

 

 Musiculture : Vous êtes 5 : qui fait quoi ?  

 Francis Larue : C’est moi-même qui fut à l’initiative du groupe et qui apporte les compositions et arrangements qu’on retravaille et fignole en répétition tous ensemble. Je m’occupe également de la diffusion. Le groupe est constitué d’Etienne Kermarc à la basse, de Vincent Périer au saxophone, d’Hugo Crost à la batterie et enfin de Simon Girard au trombone qui remplacera Yacha Berdah (trompette et claviers). Le nouvel album est produit par Z Production qui gère aussi une partie de la com’ de celui-ci.

 M : La méthode de travail : vous commencez par la rythmique bass-batterie puis ajoutez le reste ou pas ?

 F.L. : Souvent, je commence par la rythmique (batterie, basse, guitare). Il y a une première phase dans laquelle j’enregistre un maximum d’idées et de motifs sans trop réfléchir, puis je les laisse dormir quelques jours afin de les réécouter plus tard, avec du recul. Ainsi, je fais du tri plus facilement entre les idées qui semblent bonnes et moins bonnes. Puis j’entre dans un travail plus profond sur celles que j’ai retenu. J’écris plusieurs thèmes pour choisir là aussi entres eux, je décline des structures etc. Enfin, je passe sur un éditeur de partition, pour écrire et finaliser l’arrangement. C’est ma façon de faire la plus récurrente mais j’essaye aussi de diversifier mes méthodes de composition. Par exemple, en partant, à inverse, d’un thème, d’une grille harmonique, ou même d’une structure ou parfois d’une idée scénique. Parfois j’essaye de m’imaginer des choses à faire sur scène et de là en découlent des idées musicales. Je crois que toute nouvelle méthode est bonne à prendre, par exemple « écrire un thème à la manière de… ». Le fait de se fixer des contraintes aide à moins se disperser.

 M : Pour arriver à ce niveau, ça fait combien d’années que vous jouez ?

 F.L. : Merci du compliment ! Je dirais déjà que je me considère toujours en apprentissage. Il n’y a pas de bascule entre un moment où « on ne sait pas encore », où l’on a pas le niveau, et un moment où ce serait ok.

En ce qui me concerne, je joue depuis mes 12 ans (j’en ai 39). Mais je composais déjà des petites choses à ma première année de guitare, autant que je m’en souvienne. Qui valaient ce qu’elles valaient, certes, mais je n’ai pas attendu d’avoir un certain niveau pour m’autoriser à le faire. Ça peut paraitre hors sujet, mais cette question me fait penser à ça, et j’ai tendance à penser, que les années ne sont pas très importantes. Ce qui compte, à mon sens, c’est la passion que l’on a à faire de la musique. Le groupe, quant à lui, existe depuis fin 2015.

 M : « Cissy Street », « cissy Strut », référence aux « Meters » j’imagines ?

 F.L. : Oui. « Cissy Street », c’est un clin d’oeil aux Meters, et à travers eux, à tout ce courant musical qui a émergé à ce moment-là. Mais c’est aussi une déformation de mon nom : Francis Larue / Cissy Street.

  : Vous mettez en avant le côté « revendicatif » du funk : pourquoi est-ce aussi important pour vous ?

 F.L. : Je dirais que je suis un peu frustré du fait que la musique instrumentale ne soit que très peu porteuse d’engagement et de message, contrairement à une chanson par exemple. Je m’interroge comme tout le monde sur le rôle que l’on a en tant qu’artistes (au-delà du sens premier, à savoir susciter des émotions, faire danser etc… ) et j’ai tendance à penser personnellement que l’art, d’une façon générale, doit contribuer à véhiculer des idées, à transmettre une histoire, à montrer des réalités, etc… donc à être porteur d’un message à caractère politique.

Je voulais rappeler par ce biais que le funk, au-delà de faire danser les gens, accoucha aussi d’un certain contexte social, et fut le matériau sur lequel on pouvait lire un certain nombre de revendications. Certaines d’entre elles sont presque universelles. Si les « black Indians » de la Nouvelles Orleans se sont saisis des symboles amérindiens pour illustrer la lutte des afro-américains, nous pourrions tout aussi bien se saisir de symboles Afro-américains pour porter d’autres luttes. C’est de cette idée que part notre collaboration avec les « Fabulous Trobadors ». Je trouvais que leur musique était très proche de celles des « Black Indians » : Questions/réponses, chant revendicatif, déambulation etc… La ressemblance est saisissante. J’ai donc essayé d’adapter un de leur titre (« Il nous ment »), qui circula abondamment dans les manifs de 2003, à la sauce « Black Indians » (En m’inspirant des « Wild Magnolias » entre autres).

 M : Les cuivres tiennent une place prépondérante : la base du funk pour vous ?

 F.L. : Je ne suis pas sûr de bien comprendre la question. Est-ce que la place prépondérante des cuivres constitue la base du funk ? Si c’est cela, je ne sais pas ce qu’est la base du funk ! Mais je ne crois pas que ça soit les cuivres. Les cuivres en font partie, mais le funk n’est pas né d’eux à mon avis, même si les « Brass band » ont dû jouer leur rôle. Le funk, pour moi, c’est un concours de circonstance : un lieu, des gens, un contexte social, un héritage culturel Africain… Musicalement ça se traduit évidemment par la danse, c’est une musique du corps, comme on dit.

 M : Deux albums en trois ans : temps nécessaire à la création ou des difficultés particulières ?

 F.L. : Un peu des deux. Ça pourrait aller plus vite, mais comme l’époque veut que nous, les musiciens, partagions notre temps entre plusieurs groupes, c’est le temps qu’il me faut pour écrire. Et c’est aussi, bien sur, une histoire de sous.

 M : Votre funk est entièrement acoustique : hermétique aux machines ?

 F.L. : Pas du tout hermétique non. Peut-être un jour.

 M : Dans l’histoire du funk, quelle est votre période préférée ?

 F.L. : J’aime presque toutes les périodes, des débuts du funk jusqu’aux début des années 80. Je suis moins sensible à ce qui s’est passé à partir de là.

 M : Vos groupes favoris ?

 F.L. : Des grands classiques du funk, en vrac : Tower of Power, Earth Wind and Fire, Stevie Wonder, Les Meters, James Brown

 M : Votre musique est une musique « live », parfaite pour la scène, la fête, les rencontres. Vous voyez l’avenir comment ?

 F.L. : Très bonne question. C’est paradoxal de voir que l’on touche un public de « niches » sur toute la planète, via Spotify, et que l’avenir sera probablement plus local, et donc pour les concerts aussi. Honnêtement je ne sais pas. Je crois que tout le système de l’industrie musicale est en plein changement et qu’il faudra, comme pour bien d’autres secteurs, revenir à des choses plus locales.

Discographie

  2017 Acheter

 (2020) Acheter

 

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