Paolo Rustichelli : Interview

paolorustichelli_3 En 1992, les amateurs de jazz découvraient un nouvel artiste : Paolo Rustichelli. Le monsieur faisait une entrée fracassante avec un album intitulé « Mystic Jazz » sur lequel jouaient Miles Davis, Carlos Santana, Wayne Shorter et Herbie Hancock, entre autres. Un véritable ovni à l’époque et une curiosité car le son de l’album était assez innovant en son temps.

rustichelli Depuis, Paolo Rustichelli a touché à la musique classique, composé de nombreuses musiques de film et suivi un beau parcours dans le jazz contemporain. Rencontre.

Musiculture : Vous avez commencé avec un album incroyable sur lequel jouaient Miles Davis, Carlos Santana, Herbie Hancock, entre autres. Comment est-ce arrivé ? Vous étiez amis ?

rustichelliPaolo Rusticelli : Avant mon album « Mystic Jazz », alors âgé de quinze ans, j’avais enregistré l’album « Opera Prima » chez RCA. Un album de rock progressif. C’était mon premier album.

Puis j’ai commencé une carrière de compositeur de musiques de films. Des années plus tard, j’ai eu l’idée de « Mystic Jazz ». Tout a commencé lorsqu’un ami photographe m’a invité à le rejoindre dans la ville de Perugia pour le « Umbria Jazz », un festival de jazz bien connu en Italie. Avant de m’y rendre, je savais que des grands noms comme Miles Davis y seraient. J’ai eu l’idée de composer un titre pour un futur et imaginaire album avec Miles et d’autres. J’ai composé « Capri ». Cette ballade sonnait tellement bien que j’ai emmené la démo avec moi pour tenter de la donner à Miles Davis. Je n’étais vraiment pas sûr de pouvoir l’approcher. Je me suis fié à mon intuition. Une fois à Perugia, j’ai rencontré Gordon Meltzer, manager de Miles, à l’hôtel « Baglioni ». Je lui ai donné « Capri » sans réel espoir d’avoir un retour. J’étais totalement inconnu dans le milieu jazz à cette époque.

Un mois plus tard, j’allais voir Miles à un autre concert à Macerata. A ma grande surprise, j’étais invité après le concert dans les loges de Miles. Il était très enthousiaste sur le titre et voulait l’enregistrer. J’étais aux anges et après l’enregistrement, je suis allé aux Etats-Unis pour continuer le projet qui s’est terminé avec Santana, Wayne Shorter, Herbie Hancock et Andy Summers. Ils n’étaient pas des amis mais j’ai noué de bonnes relations avec Miles et surtout avec Carlos.

virgin_4/27-10hr Carlos Santana

M : Quels souvenirs gardez-vous de Miles ?

rustichelliP.R. : Je ne me considère ni comme un musicien ni comme un compositeur mais plutôt comme un mélange des deux. Je ne crois pas en des styles très déterminés genre je suis musicien de jazz, je suis musicien de rock, je suis musicien de « smooth jazz »… Donc, je recherche une musique qui puisse transcender les genres plutôt qu’une musique stéréotypée. Je ne suis pas fan d’un style en particulier. Je crois que Miles appréciait cette ouverture d’esprit et ma connaissance des musiques de films et de la musique classique.

Concernant Miles, je me souviens qu’il était capable de jouer « Capri » en changeant et en apprivoisant la mélodie. C’était vraiment un géant avec son style unique. Il est unique. Je regrettes de ne pas avoir eu plus de temps pour travailler avec lui. Il est mort peu de temps après l’enregistrement de « Mystic Man ».

M : Vous pouvez jouer du jazz et la minute d’après composer une musique classique pour un orchestre de 250 musiciens! Quelles différences dans la façon de travailler ?

rustichelliP.R. : Je peux composer n’importe quel style de musique depuis que je sais comment composer des musiques pour les films. J’ai pour habitude de travailler avec un ordinateur et un « sequencer ». Ainsi je peux prendre les sons dont j’ai besoin n’importe quand. Déjà au temps de « Mystic Man », je travaillais comme ça. Je composais et enregistrais au vol mélodies, harmonies et sections rythmiques. J’ai travaillé de la même façon les arrangements de l’orchestre pour la chanson « Kyrie » mais sur mon mac. La version symphonique pour Placido Domingo s’est faite comme ça. « Kyrie » était une chanson qui datait de la première version de « Mystic Man ». Grâce à la technologie des sequencer digital, je peux enregistrer n’importe quel genre de musique.

placido Placido Domingo

M : Et pour les musiques de film ?

rustichelliP.R. : Pour composer une musique de film, je crois qu’il est très important de rentrer dans l’âme de l’histoire et dans les besoins et idées du réalisateur. Ensuite, une espèce de transmutation se fait dans mon esprit et je compose la musique. Si cette alchimie n’est pas bien équilibrée alors vous composerez probablement une médiocre musique de film.

M : Dans quel genre vous sentez-vous le plus à l’aise ?

rustichelliP.R. : Aucun et tous. Tout dépend de mon inspiration du moment.

M : Un projet en cours ?

rustichelliP.R. : Oui, je travailles sur un nouvel album qui sera intitulé « Soul Italiano ».

M : Vous vous intéressez au travail des autres ?

rustichelliP.R. : J’ai pour habitude de ne pas écouter le son ou le style des autres. Je suis absolument contre le fait de sonner comme un autre. Les critiques disent souvent que ma musique est ouverte et qu’elle a ouvert des portes. Quand « MysticJazz » est sorti, il a crée le genre « Chill out ». Dans ce que nous appelons « smooth jazz », j’ai vu quelques sorties fameuses très inspirées de mes mélodies, de mes harmonies et des sons que j’avais mis en place avec « Paisa », mon premier succès smooth jazz.

M : Quelles sont vos influences ?

rustichelliP.R. : En classique, j’apprécie Beethoven, Chopin, Bach, Wagner et Debussy. Pour les musiques de films, mon père Carlo a été mon mentor avec son énorme savoir. En Jazz, Duke Ellington, Art Tatum, Bill Evans, Joe Zawinul et Keith Jarrett. Parmi les chanteurs, j’adore Ray Charles.

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