Voici un artiste charismatique dont la voix a marqué de nombreux projets depuis le début des années 90. Pour beaucoup, Nya est lié à Erik Truffaz, certes ! Mais pas uniquement…
1993 : Un ami suisse me donne un cd 4 titres de la formation « Silent Majority » avec la note suivante : « Fais en bon usage ». « Frankly Speaking », titre de ce cd, est remarquable et je prends une bonne claque derrière les oreilles. Leur musique est un savant mélange de jazz, de soul et de hip-hop.
Quelques mois plus tard, arrivée de l’album « La majorité silencieuse ». Ensuite la sortie d’un mini album 7 titres à la pochette aussi soignée que le contenu. Et là, les bases de la musique d’Erik Truffaz sont en place mais nous le découvrirons bien plus tard. Car « Silent Majority » est composé de Marcello Giuliani (excellent bassiste mais aussi excellent pour mix et prise de sons), Pierre Audétat (remarquable pianiste) et de celui qui nous intéresse aujourd’hui, NYA, entre autres. Et qui est invité sur l’album à la trompette ? Un certain Erik Truffaz. D’emblée, la voix rauque de Nya, emprunt de Jamaïque et semblant sortir d’outre-tombe marque les esprits. Son phrasé, la texture de sa voix sont immédiatement identifiable.
Six ans plus tard, un album majeur dans l’histoire des musiques urbaines voit le jour : « Bending New Corner » d’Erik Truffaz. Un album synthèse de différents courants (drum & bass, funk, jazz) avec des mélodies, une production et une inspiration hors du commun. Bass : Marcello Giuliani, voix : Nya. Bien sûr, Truffaz est un compositeur et un trompettiste remarquable mais sans cette alchimie entre les genres et entre ces hommes, la carrière du monsieur n’aurait probablement pas été la même. Nya apparaît sur plusieurs titres dont le classique « Siegfried » d’une beauté à couper le souffle. Ensuite, Nya sera encore aux côtés de Truffaz sur quelques titres et sur scène.
2010 : Premier album solo du monsieur. « Rootz Teknowledgy » colle parfaitement à son image depuis les débuts dont nous venons de vous parler. Pierre Audétat, compagnon de route depuis « Silent Majority » est de la partie. La chanteuse T-love également. Nya explore d’autres pistes et en profite pour les brouiller également, les pistes. Différents courants de la culture jamaïcaine sont là ainsi que des sonorités électroniques et une touche de « nu-soul ». Des titres instrumentaux aux ambiances sombres et « roots » (« Settle down ») côtoient des titres plus « hip-hop » (« Riding the rhythm ») et de l’électronique pur plus « underground » (« Precious Pressure »). Dans tous les cas, Nya s’impose encore comme un grand lyricist.
2015 : Un artiste suisse très original sort un album free-jazz avec une voix en contraste avec son style, ce qui en fait l’intérêt. NYA est encore là pour poser sa marque de fabrique car inutile d’écouter longtemps pour l’identifier. Sknail est un projet inclassable tant dans l’image que dans le son même si la base free-jazz est forte. Et NYA y apporte une indéniable valeur ajoutée.
Rencontre
Musiculture : Entre « Rootz Teknowledgy » et « Sknail », qu’as tu fait ?
NYA : J’ai fait quelques concerts avec mon projet solo en Suisse seulement. Sinon un featuring avec « Brink Man Ship », excellent groupe de jazz électronique avec lequel j’ai pas mal tourné après Truffaz, et un autre avec « Chlorine Free », sur leur dernier album.
M : As tu un nouveau projet solo sur le feu ?
N : Concrètement non, pas pour l’instant.
M : Dans l’ensemble, tu te fais rare, non ? Ou ai-je loupé des projets ?
N : Non, je ne me fais pas rare. J’ai plutôt multiplié les collaborations ces derniers mois et pas mal de demandes pour des featurings. Mais c’est vrai que je ne suis plus dans le circuit du « business » de la musique.
M : Depuis « Rootz Teknowledgy », pas d’album solo ? Pourquoi ?
N : En faisant mon album solo quasiment tout seul, c’est-à-dire les compositions, les paroles et une partie du mix, j’ai beaucoup appris et ça m’a permis de sortir un album qui me correspond à 100%, sans concessions. Je compose toujours, mais la sortie d’un nouvel album n’est pas une priorité pour moi. Le dernier m’a pris presque dix ans, peut-être un prochain en 2020…
M : Qu’est ce qui motive ta participation à un projet ? Par exemple, pourquoi avoir accepté Sknail ?
N : J’aime bien le défi de m’adapter à un univers musical qui n’est pas forcément le mien et de me fondre dedans tout en amenant ma personnalité. Avec Sknail, outre le super contact personnel qu’on a eu ensemble, j’ai adoré le processus de création et la vision musicale très précise et sans compromis de Sknail.
M : Es tu à l’affût des nouveaux courants musicaux ?
N : Je ne dirais pas que je suis à l’affût des nouveaux courants musicaux. Je garde mes oreilles ouvertes et je continue à faire de la musique qui me correspond. J’évolue et ça peut se refléter dans ma musique.
M : Qui t’a donné envie d’être artiste ?
N : Je n’ai jamais vraiment eu envie de devenir artiste. Mais l’art sous différentes formes a toujours été une partie importante de ma vie, de ma façon de vivre. Art de vivre. Des gens qui m’ont inspiré par leur art, il y en a énormément. Musicalement, ça va de Basic Channel à Nina Hagen, de Lee Scratch Perry à A Tribe Called Quest, de Pharaoh Sanders à Einstürzende Neubauten.
M : Où en sont tes liens avec les anciens de Silent Majority ?
N : J’ai beaucoup collaboré avec les anciens de « Silent Majority » en « live », sur disque et en « sound system ». On se côtoie régulièrement et les autres membres ont tous continué à créer des projets extraordinaires. Actuellement, je collabore avec Dynamike, le deuxième rappeur des débuts de « Silent Majority ». On a déjà sorti un track et un E.P va suivre.
Discographie
Silent Majority: La Majorité Silencieuse (1993)
Silent Majority: Curfew (1995)
Le Gooster aka DJ Goo: Zig Zag Zen (1997)
Silent Majority: Nightbloomers (1998)
Erik Truffaz: Bending New Corners (1999)
Siegfried: Louise Take 2 (1999)
Mobile in Motion: Far beyond my thought control (2002)
Le Gooster aka DJ Goo: Deeper Shades of Soul (2003)
Siegfried: Sansa (2004)
Brink Man Ship: The Right Place To Be Lost (2005)
Erik Truffaz: Face-à-face (2006)
Erik Truffaz: Arkhangelsk (2007)
Mobile in Motion: Shadows of Danger (2008)
Brink Man Ship: Willisau ft. Nils Petter Molvaer (2008)
Siegfried: Freespeed Sonata (2010)
Art Bleek: Art Supplies (2010)
Brink Man Ship: Instant Replay (2011)
Dynamike: The Rose of Jericho (2015)