Mocean Worker joue une musique terriblement communicative. A son image, elle est joyeuse et festive. La base est jazz, certes, mais de nombreux elements funk, electroniques et hip-hop font aussi parties de ses compositions.
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Adam Dorn, son vrai nom, est immergé depuis toujours dans la musique jazz et funk grâce à son père, producteur de jazz et de R&B. Son père, Joel, était un producteur clef du label « Atlantic » dans les années 1960 / 1970. Il avait travaillé avec Coltrane, Mingus, Roberta Flack, Bette Midler, les Allman Brothers et bien d’autres encore.
Il est ami avec Marcus Miller depuis longtemps. Mocean est également bassiste et chanteur. Il a étudié comme de nombreuses stars américaines à l’école de musique de « Berklee » à Boston. Puis il a joué aux côtés de David Sanborn et Chaka Khan, les Jamaica Boys et Marcus Miller, entre autres.
Son premier album date de 1998. Depuis, six albums entre jazz et electronique avec des touches de funk et de hip-hop.
Nous l’avions découvert il y a presque dix ans. Nous avions déjà communiqué pour une interview. Dix ans plus tard, celui qui joue sur « Afrodeezia » de Marcus Miller et avec de nombreux autres musiciens jazz ou funk a déjà quelques albums solo à son actif. Que deviens t-il ? Nous le lui avons demandé.
Musiculture : Tu fais partie du dernier album de Marcus Miller, « Afrodeezia » : Comment est-ce arrivé? Grâce à votre amitié ? Parce que tu es le meilleur ? Les deux ?
Mocean Worker : Marcus et moi sommes amis depuis une trentaine d’années. J’ai eu assez de chance pour commencer ma carrière en l’écoutant produire des albums en studio. Une incroyable expérience musicale qui a commencé après que je lui ai envoyé une lettre. Ca a été tout aussi excitant pour moi de voir notre relation grandir tandis que je développais mes albums solo. Je ne pensais pas que Marcus savait ce que je faisais de mon côté. Mais sa manageuse, Bibi Green, l’informait toujours de mon travail et ça m’a amené à travailler sur trois titres de son album « Silver Rain » puis à partir en tournée avec lui au Japon. Encore une incroyable expérience où je jouais de la bass, des claviers et des samples. Neuf ans plus tard, alors que j’essayais d’avoir Marcus sur un de mes podcast, j’entre à nouveau en contact avec Bibi pour avoir des nouvelles. Là, elle me dit : « Il faut que je lui parle demain. Je reviens vers toi ». A ma grande surprise, elle me rappelle le jour suivant pour me dire : « Tu ne vas pas le croire. Marcus m’a appelé la nuit dernière. Il a un titre sur lequel il veut travailler avec toi ». Drôle de coïncidence !. Alors que je me prenais la tête pour savoir s’il serait d’accord pour travailler sur mon podcast, lui travaillait sur un titre qu’il me destinait. J’étais complètement soufflé ! Il m’a envoyé la demo et nous avons rapidement travaillé ensemble. Cette chanson, c’est « I Can’t Breath », la dernière chanson d' »Afrodeezia » que je qualifierais d’album émouvant et intellectuel. Il correspond au rôle de Marcus en tant qu’ambassadeur de l’UNESCO. Il conte l’histoire du commerce des esclaves depuis son origine jusqu’à nos jours. « I Can’t Breath » est centré sur les problèmes raciaux d’aujourd’hui aux Etats-Unis. C’est un honneur incroyable d’avoir co-écrit ce titre avec Marcus et d’avoir Chuck D. pour les textes. Et beaucoup reste à venir concernant ce titre. Restez branché !
M : Tu as travaillé avec Chuck D., légende de la culture hip-hop. ça fait quelle impression?
M.W. : Pour moi, Chuck D. est la voix d’une génération. Un individu incroyable, passionné par tant de choses dans la vie. Il est à l’affut de tout ce qui se passe, sur tout les fronts. En plus, je suis vraiment de cette génération que « Public enemy » a touché à la fin des années 80 quand ils sont arrivés de nulle part pour s’imposer comme une vraie force du hip-hop. Je voyais donc ça d’un angle différent par rapport à Marcus parce que je suis vraiment un fan. Rien que « Fight The Power » est une de mes chansons préférés dans l’histoire de la musique. Encore aujourd’hui, ça me fait bouger quand je l’entends alors travailler avec Chuck D. a été une expérience surréaliste. Une fois l’aspect fan dépassé, le gros problème était de m’assurer que la musique collait parfaitement au message délivré. Marcus avait quelques textes sur lesquels Chuck devait se concentrer mais sinon, il avait carte blanche pour écrire ce qu’il ressentait. Je crois que c’est un titre puissant. Chuck est fort et Marcus y joue un solo de fretless ! J’étais content que Marcus soit ouvert à l’idée. En plus, je dois jouer la bass sur une partie. Jouer de la bass sur un album de Marcus ? ! Vous vous foutez de moi ? ! C’est un peu comme jouer à un contre un avec Michael Jordan. Chuck et Marcus, belle et surprenante combinaison. J’étais juste content d’être dans la même piece !
M : Est-ce que ton travail avec Marcus t’aide pour tes projets solo ?
M.W. : J’ai pour habitude de répondre « non » à cette question. Je le dis parce qu’en étudiant Marcus jouer et produire pendant 3-4 ans, j’avais vraiment décidé de suivre ma propre voie en tant qu’artiste. Je me souviens d’un jour, assis en studio pendant l’enregistrement de l’album des Jamaïca Boys, où Marcus est venu vers moi et m’a dit : « Tu sonnes comme moi ». Ça m’a marqué. Je ne voulais pas devenir un musicien qui sonne comme un autre. Quel interêt ? Aucun pour être honnête. A partir de là, j’ai décidé d’écrire de la musique et de trouver ma voie. Ma connection avec Marcus ne s’entend pas sur mes albums solo. Et même quand il joue sur mes albums, ce n’est pas pour jouer de la bass mais de la clarinette, comme sur « Brown Liquor ». J’ai pensé qu’il était préférable qu’il joue d’un instrument qui colle parfaitement à ma musique plutôt qu’une présence à la bass electrique. J’adore ce qu’il a fait sur « Brown Liquor ». Quel pied de montrer son incroyable sens de la musique dans un contexte différent ! Je dirais plutôt que c’est le temps passé avec d’autres musiciens qui aide à la conception de mes albums plutôt que celui passé avec Marcus. Par contre il sait comment mener une session d’enregistrement en studio et ça je l’ai appris de lui. Je l’ai observé comme un faucon pendant quatre ans. J’ai tout pris sur lui sur le sujet et aussi beaucoup sur mon père Joel. C’est inestimable pour aller de l’avant. Ils savent mener un enregistrement studio comme personne. Concentration pour aller de l’avant, une grande competence à avoir.
M : As tu un nouveau projet solo à l’esprit ? Comment sonnera t-il ?
M.W. : Oui, j’en ai un ! Je suis très excité de dire qu’il est à 80% terminé. Et tout est fait maison en fait. Et je ne serais pas surpris que les DJ fassent la queue pour le jouer. Il est conçu autant pour les soirées que pour l’écoute tranquille à la maison dans la tradition Mowo ! La différence majeure est que je joue de la vraie bass sur presque tout les titres. Je suis très très excité sur ce sujet parce que je pense que la différence est énorme. Le groove est bien plus chaud et naturel. C’est toujours dans l’esprit des années 30 et 40 mais avec la vibration « Mowo » et c’est aussi très funky ! J’avais vu ça dans l’explosion de l' »electro-house » et pour être honnête je me suis senti comme si j’étais en face de ces mecs. L’album est plus dansant mais sans perdre de vu mes centres d’interêt. Le jeu de bass, c’est un peu comme si « Chic » rencontrait Count Basie. Très excitant. Je ne suis pas sûr de la date de sortie parce que j’ai d’autres projets en cours mais ce sera sur 2015.
M : Sur ton site, j’ai vu beaucoup de photos de Paris. As tu des amis dans notre capitale ? Des projets avec des musiciens français ?
M.W. : HA ! Tu as remarqué mon amour pour la France ? J’adore ce pays. Je n’ai pas de relations artistiques en France. Mais j’ai de très bons amis que j’adore. J’ai recemment produit une artiste, Nikki Yanofsky et je crois que son album a pas mal de succès chez vous. Ça pourrait etendre mes connections en France. Quand j’avais à peine vingt ans, j’ai joué avec pas mal d’artistes « pop » français. Pas mal de tournées et de productions également avec des artistes qui sont à l’opposé de moi. Je n’en parle presque jamais parce qu’à chaque fois que je donne des noms, les français me disent QUOI ? ! ? ! Pour faire simple, jeune, j’avais du boulot comme musicien et c’était bon. Pouvoir être en France en apprenant l’histoire d’un pays aussi incroyable était le prix à payer. Je vivais de la musique même si ce n’était pas celle que j’aimais. C’est comme ça. J’ai aussi découvert les Daft Punk et la musique electronique en France. Ce pays tient une place à part dans mon coeur.
M : Quelles sont les principales difficultés pour un artiste comme toi aujourd’hui?
M.W. : Mon plus gros challenge est la scène. C’est trop chère. Je sais que la plupart des artistes se plaignent des ventes d’albums mais moi j’ai abandonné cette idée. Je crois que tout s’équilibre. De toute façon, je n’ai jamais vendu des milliers de centaine d’albums. Mais ce qui est drôle, c’est que ma base de fans est importante et qu’ils achètent toujours mes albums. J’apprécie vraiment leur soutien. Tout est question de se maintenir au même niveau. Et à chaque album, j’ai de nouveaux fans. Mais je ne peux pas tourner. Ma musique est vraiment fun à faire mais je n’arrive pas à la retranscrire sur scène comme je le voudrais. J’ai des DJ et un groupe de huit musiciens en tournée mais les versions scène ne sont jamais au niveau des versions album. Le djing, ça m’ennuie. J’adore jouer « live » mais le groupe finit par sonner trop funky et s’éloigne trop de l’esprit des années 30 et 40 de ma musique. C’est très dur à mettre en place. Je suis sûr qu’un jour ça sera plus facile à mettre en place et que la scène prendra tout son sens. A aujourd’hui, ça n’a aucun sens financièrement parlant. Ça coute une fortune de partir en tournée !
M : Peux tu nous expliquer ce projet avec Charlie Hunter ? Comment t’es venu l’idée ?
M.W. : Grande question ! C’est un projet dont je suis fier. Avec les années, Charlie est devenu un ami très proche et nous avons toujours cherché un moyen de travailler ensemble. Il fait une apparition sur mon dernier album en date (Candygram From Mowo!). Un jour il m’a appellé et après une discussion avec un de nos très bons ami, le batteur Scott Amendola, Charlie m’a dit : Hey, Scott dit que nous devrions faire un podcast! J’ai immédiatement dit oui sans même savoir ce quétait un podcast ou comment en faire un! Je voulais faire un truc avec Charlie, une conversation avec des artistes que nous admirons et respectons et pas seulement sur la musique. L’idée était juste de converser. Désormais impossible de faire la promotion d’un nouvel album. Tout est question aujourd’hui de créativité et d’histoires personnelles liées à cette créativité. Le podcast est baptisé The Compared To What Podcast et nous avons déjà peut être 45 épisodes bouclés. C’est vraiment un projet fun qui a mené à des relations et des amitiés incroyables. Charlie est le meilleur. Si vous ne le connaissez pas, allez sur youtube ou itunes immédiatement. Un musicien tellement incroyable !
M : Nous nous étions déjà rencontré pour une interview il y a dix ans. Comment définirais tu cette période en tant qu’artiste et en tant qu’individu ?
M.W. : Il y a dix ans, je cherchais ma voie d’artiste. Aujourd’hui, je cherche ma voie d’artiste. Je ne crois pas que ça changera jamais. La seule différence est…Je suis papa. Et ça, je ne cherche pas comment faire. Je suis très concentré dessus.
Discographie
Home Movies From The Brain Forest (1998, Conscience records)*** Acheter
Mixed Emotional Features (1999, Palm)*** Acheter
Aural & Hearty (2000, Palm)* Acheter
Enter The MOWO! (2004, Sin-drome records)*** Acheter
Cinco De Mowo! (2007, Mowo Inc.)*** Acheter
Candygram For Mowo (2011, Mowo Inc.)*** Acheter
Mocean Worker (2015, Mowo Inc.)*** Acheter