Entre 1985 et 1995, la culture hip-hop a connu sa période d’or, en nombre de sortie d’albums, en qualité artistique et en retombées financières. Mais cette culture était née dix ans plus tôt et elle a été forte les dix années suivantes.
Comment tout a commencé ? Grâce à qui ?
Dans les années 1970, des immigrés jamaïcains, haïtiens, portoricains et des noirs, pardon afro-américains,développent spontanément, sans aucunes arrière pensées commerciales, des formes artistiques qui vont devenir une culture, la plus puissante du 20eme siècle. En gros, la base est la suivante : Lorsqu’on a rien et que la société nous considère comme rien, on ne peut compter que sur soi. Le cadre de vie est sordide. Le Bronx du sud dans les années 1970, personne ne souhaite y vivre. Et la municipalité de New-York ne fait rien pour arranger les choses. Qu’à cela ne tienne ! Des jeunes noirs et portoricains vont s’occuper eux mêmes de la décoration. Des fresques gigantesques et très colorées apparaissent sur les murs du quartier et sur les wagons du métro. Elles sont réalisées à la bombe. Des signatures jaillissent également de nulle part. Le tag et le spraycan art ou graffiti viennent de voir le jour. Les grandes capitales mondiales, surtout européennes dans un premier temps, s’en font vite le relais.
Pas assez d’argent pour aller faire la fête « downtown », c’est à dire à Manhattan, qu’à cela ne tienne, on crée des fêtes improvisées dans des lieux improbables avec du matériel aussi improbable. Les « block parties » sont nées. Au programme, les cultures d’origine des immigrants et du funk, de la soul avec un DJ qui parle sur la musique : Le rap est né.
Grâce à des personnes déjà bien établies dans le milieu de la mode et de l’art, cette culture passe du Bronx à Manhattan. Les galeries branchées de Soho exposent les premiers graffiti artistes comme Futura ou Lady Pink par exemple. Nous sommes en 1980.
Côté musique, deux personnes sentent bien le potentiel commercial de cette culture : Sylvia Robinson et Tom Silverman. La première créée le label « Sugarhill », le deuxième le label « Tommy Boy« . Et les retombées sont largement au dessus de leurs espérances. Certains titres se vendent à 17000 exemplaires par jour…Le rap devient un marché dans lequel des investisseurs peuvent récupérer entre cinq et dix fois leur mise de départ. Du coup, de nombreux acteurs s’engouffrent vite dans la brèche béante et de nombreux petits labels indépendants voient le jour. Le rap va dominer l’industrie du disque pendant vingt ans. Chaque ville américaine développera son propre style et la concurrence sera rude.
Jusqu’en 1986, les précurseurs et petits labels new-yorkais dominent le marché. 1986, création de « Def Jam ». 1988, apparition de l’école « Native Tongue » emmenée par De La Soul, Tribe Called Quest, Jungle Brothers. Le rap est toujours l’affaire de New-York. 1990, Cypress Hill et le Wu-tang font leur entrée avec fracas. Les précurseurs ne sont déjà plus là et la deuxième génération prend la relève. 1993, arrivée du style « G-funk » sur l’autre côte, à Los Angeles. Dr Dre, membre du N.W.A. qui s’était fait remarquer à Los Angeles dès 1988 devient le maître de la production avec des artistes comme Snoop Doggy Dogg ou Warren G., entre autres. New-York n’a plus le monopole après dix ans de domination sans partage.
Miami développe aussi son style de rap, beaucoup plus électronique : Le « Miami Bass ».
1994, entrée de Nas dans la partie qui ramène la couronne à New-York suivi par Notorious BIG. 2Pac devient un rapper emblématique de la côte Ouest. 1996, phénomène Fugees, encore à New-York. Un petit label, « Rawkus », fait son entrée avec un rap très différent…
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Côté DJ, ceux qui travaillent dans l’ombre et comme ils peuvent depuis des années accèdent aux manettes de grands clubs new-yorkais. Leurs techniques innovantes soufflent tout sur leur passage. Grandmaster Flash, Jazzy Jay, Red Alert, Kool DJ Herc sont à l’origine d’un marché juteux qui permet à des marques de développer de nouveaux outils et surtout de les vendre. Techniks voit son C.A. exploser grâce à la vente de platines.
Côté danse, on assiste également à une révolution. Certaines ont comme origine James Brown mais d’autres comme le « break-dance » sont totalement inédites.
La mode n’est jamais loin. Là aussi les créateurs new-yorkais s’emparent du hip-hop pour leurs créations vestimentaires. Ce qui, à la base, est une façon improvisée de se vêtir devient un phénomène de mode branchée.
En France, la culture hip-hop prend comme un feu de paille. En 1982-1983, les premières fresques murales apparaissent à Paris ainsi que les premiers tags. Un certain Bando en est le précurseur suivi de prêt par Jay et les B.B.C.
Des fêtes improvisées ont lieu au terrain vague de la chapelle, Paris. DJ Dee Nasty mix les dimanches après-midi pour les premiers danseurs (une partie des NTM est déjà là) pendant que les précurseurs du graffiti peignent sur les murs du terrain.
Très vite, Radio 7 (maison de la radio) puis Nova se font le relais média de cette culture. C’est là que Joey, Shen, Squat, Iron 2, Shoes, Crazy JM et d’autres font leurs armes. Nous sommes en 1987-1988. Deux ans plus tard, ils signeront avec de grandes maisons de disques, Sony et Virgin pour ne pas les nommer, sous le nom NTM et Assassin avec le succès que l’on connait. Les marseillais d’IAM suivront vite. Ensuite, le rap devient aussi un marché en France et les maisons de disques signeront constamment de nouveaux talents. Citons en vrac, X-Men, Booba, Youssoupha, Minister Amer, la Cliqua, Doc Gyneco…
Mode 2 & Colt « Publik Enemy » (Paris, 1988)
Dark (terrain vague de St Ouen, Paris, 1987)
Côté graffiti, Bando, Mode 2, Colt, Jay et les BBC, Dark, Jonone et les 156 deviennent des références mondiales de la discipline à partir de 1984-1985 et pour les vingt années suivantes. Plus tard, leur travail se retrouvera en galerie à des prix incroyables et des grandes marques de mode comme Nike ou Carhart ainsi que de grandes maisons de disques comme Sony feront appel à eux pour leur collections.
Collection « Kind Of », pochettes réalisées par Mode 2 (Sony music, 2002).
En trente-cinq ans, la culture hip-hop a donné un nouveau visage à l’urbanisme, un nouveau dynamisme à la mode, un pouvoir supplémentaire aux médias. Le hip-hop s’est également révélé comme un excellent ciment social, aidant des communautés à mieux se connaître et à mieux se comprendre. Il est aussi un bel ascenseur social.
Sa puissance artistique a changé le marché de la musique, créée de nouvelles tendances qui ont changé le rock dans son ensemble et installé de nouveaux métiers.
Quelques grands noms du rap : Afrika Bambaataa, Rammellzee, Grandmaster Flash, Kurtis Blow, Whodini, Run DMC, Ice T, Ice cube, EPMD, Dela soul, A Tribe Called Quest, KRS 1, Public Enemy, Beastie Boys, LL Cool J, Ultramagnetic Mc’s, N.W.A., Brand Nubian, Beatnuts, Nas, Notorious BIG, Fugees, Cypress Hill, Wu tang clan, Common, Guru & gang starr, Dr Dre, Snoop Doggy Dogg, Dove Shack, Domino…Quelques classiques ici.
Quelques grands noms du graffiti : Futura 2000, Zéphyr, Dondi, Duro, Lee, Seen, Blade, Daze, Bando, Mode 2, Jay, Futura, Colt, Jon.
Documents sur le sujet
Video : Style Wars, Writers.
Livres : Hip-Hop Files (Martha Cooper), Spraycant Art (Henry Chalfant & James Prigoff), Subway Art (Henry Chalfant & Martha Cooper), Born In The Bronx (Johan Kugelberg)
Sites : Defumo