Erik Truffaz : L’insaisissable.

truffaz Erik Truffaz…Voilà sûrement ce qui est arrivé de mieux au « jazz » ces vingt dernières années. A son arrivée, Truffaz est un vrai phénomène.

 

dawn new corner

Dans un marché de la musique dominé par la culture « black » (new-jack, R&B ) et des musiques électroniques alors naissantes (drum & bass, trip-hop, electro), il a su trouver une fusion réussie entre ces différents genres et rassembler tous ces publics. Au milieu des années 90, Erik Truffaz c’est le jazz-funk de Herbie Hancock et des Headhunters, des reminiscences funk de Miles Davis avec la voix hip-hop de Nya, les rythmiques « drum & bass » de son prodigieux batteur et de somptueuses lignes de bass de Marcello Giuliani. L’album « The Dawn » de 1998 en est la parfaite synthèse et il en sera de même avec le magnifique « Bending New Corner » en 1999. Des institutions comme Henry Salvador font la queue pour le voir sur scène.

curfew Silent Majority « Curfew ».

A cette époque, c’est la passion de son public qui fait son succès. Le « bouche à oreille » fonctionne parfaitement. Et de l' »underground » il passe vite au succès grand public. Truffaz est un musicien de grande qualité, certes ! Mais l’équipe qui l’entoure est aussi pour beaucoup dans son succès, au moins autant que sa terrible intelligence et sa volonté farouche de ne pas se laisser enfermer dans un genre. Pour l’équipe, elle est constituée en grande partie du groupe suisse « Silent Majority« . Dans cette formation, on trouve Marcello Giuliani ainsi que Nya. Leur album « Curfew » avait fait forte impression. Le bassiste Marcello Giuliani occupe un poste clef dans cette organisation. Bassiste de haute volée, il est également un technicien de studio extraordinaire, indispensable pour créer un « son » immédiatement identifiable. Nya et sa voix rauque, entre culture « raggae » jamaïcaine et hip-hop new-yorkais, est également un élément de son succès rapide à la fin des 90’s.

revisited

Deux ans plus tard, la sortie de « Revisited » installe encore un peu plus le trompettiste dans la culture urbaine. Cet album est constitué de remixes réalisés par des pointures du genre. Ici, ce n’est plus du tout le public jazz qui est visé mais bien la culture électronique. Bugge Wesseltoft (génial pianiste nordique), Alex Gopher (alors chef de fil de l’électronique en France) ou Pierre Audetat (ancien membre de « Silent Majority ») y réalisent de superbes remixes. Le « Sweet Mercy » revu par Wesseltoft est une vraie réussite, hypnotique.

mantis

Le côté insaisissable de Truffaz commence à cette époque. Le musicien est inclassable. Mais il est encore loin d’avoir tout dit. L’effet de surprise avec « Mantis » est supérieur et furieusement pensé. En 2003, l’album voit le jour avec une nouvelle équipe et quelle équipe ! Michel Benita, déjà fort d’un beau parcours dans le jazz et féru d’expérimentation musicale, à la bass. Manu Codjia est à la guitare et Philippe Garcia à la batterie. Ici, la couleur musicale est différente et s’en va sur des terres plus orientales et plus électriques. Anouar Brahem, référence dans le genre, assure le oud tandis que le tunisien Mounir Troudi assure le chant oriental avec brio. Déstabilisé le public ? Sûrement, mais toujours là. Oui, Truffaz peut être comparé à Miles Davis. Et en 2013, avec le recul, on peut dire que l’idée était bonne car il y a déjà des périodes bien identifiable dans son parcours.

walk of

Le « Walk Of The Giant Turtle » de 2003 apparaît comme une synthèse des albums précédents. Une direction rock installée avec « Mantis » mais avec le quartet des débuts. Et toujours quelques elements de « drum & bass » et de funk des deux premiers albums. Un superbe « Wilfried » qui vous touche droit au coeur.

saloua

Avec Truffaz, une chose est sûre : Il faut être ouvert d’esprit ! « Saloua« , album suivant, en est la preuve. Bien sûr, les ingrédients de sa musique sont toujours jazz mais le résultat final est hybride. En 2005, sur cet album, on retrouve des repères funk électrique de Miles Davis du début des 70’s (décennie qui semble avoir profondément marqué Truffaz) avec de la musique indienne et des sonorités exotiques, du chant et un peu de rap. Son potentiel créatif explore encore de nouvelles pistes et tant mieux !

arkhan

2007 et le trompettiste se dirige tout droit vers la pop. Ici, un titre extraordinaire, à mon avis le plus beaux tout album confondu : « Snake Charmer Man« . Une mélodie imparable soutenu par un jeu de piano tout en finesse et la sublime voix de Ed Harcourt : magnifique ! Truffaz nous touche au coeur avec mélancolie. « Arkhangelsk » montre la voie pop que Truffaz suivra de plus en plus par la suite. Davantage de chant, de moins en moins de rap et une musique plus axée sur les mélodies que sur les rythmes. « In Between » suivra la même recette en 2010.

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Ces dernières années, Truffaz a donc plutôt poursuivi une direction « pop » en mettant aussi en avant son goût pour le voyage. Ce fut le cas en 2008 avec « Rendez-vous » et en 2012 avec « El Tiempo de La Revolucion ». Egalement mises en avant : Les voix féminines, en l’occurrence celles de Sophie Hunger et de Anna Aaron. Mais « direction pop » ne veut pas dire loin du « groove« . Il est toujours omniprésent. Il suffit d’écouter « Mr K », « Lost In Bogota » ou « The Secret Of The Dead Sea » pour s’en rendre compte. Du changement dans la constance, un vrai tour de force. Chapeau bas ! A noter également ses collaborations avec Sly Johnson (ancien membre du Saïan) et le pianiste Malcolm Braff (auteur du magnifique « Gospel », entre autres).

Que nous réserve t-il pour la suite ? Pas facile à dire mais il y a fort à parier que ce sera encore intéressant et toujours surprenant.

2016 : doni doni.

Christophe Augros.

Je dédie ce sujet à Michel Mouster, celui sans qui, peut être, rien ne serait arrivé pour Erik Truffaz et donc pour nous !

 

 

 

 

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