« Spleen » : Mélancolie sans cause précise. C’est la définition et c’est bien ce dont il s’agit ici. Smadj fait un inventaire des courants musicaux qu’il apprécie, avec brio.
On passe du blues majestueux façon Stevie Ray Vaughan (« The B Of The Desert ») à la musique orientale traditionnelle habillée d’électronique (« Cham3a ») avec des incrustations de groove et de jazz, sans transition.
Parfois, Smadj marche sur les traces de Bliss puis emprunte celles d’Anouar Brahem ou de Truffaz avec « Saloua ». Mais l’artiste a cette touche électronique brillante en plus, davantage inspiré par Bugge Wesseltoft ou Craig Armstrong et le don de créer des ambiances. Son travail de l’électronique allié à son jeu de oud, tantôt acoustique, tantôt électrique, permet de mesurer à quel point des musiques ethniques peuvent être très contemporaines, modernes.
Et Smadj ne fait pas dans le détail. Il explore, expérimente, cherche, pour un résultat surprenant, intéressant et oui, parfois difficile d’accès pour des oreilles chastes. Car il faut oser poser du bandonéon sur une musique électronique presque expérimentale (« Solution »). Gotan Project l’a fait mais avec un concept plus grand public.
Smadj emprunte de nouvelles voies dans le prolongement des anciennes et ouvre un univers mutant.
Il faut dire qu’il n’en est pas à ses débuts. Lorsqu’en 2002 Laurent DeWilde enregistre le somptueux « Stories » et le magistrale « If I Could », c’est lui qui assure la production et les ambiances électroniques, essentielles sur cette oeuvre.
Pour « Spleen », côté casting, il a Bojan Z au piano, Ibrahim Maalouf à la trompette (superbe sur « SmaDJibe ») et Philippe Tessier du cros pour le mix. Une aide certaine pour assurer une qualité minimum à un album.
Le point commun à DeWilde et Spleen ? Pascal Bussy, vous savez celui qui a signé No Jazz, Soel et les projets de DeWilde comme « Stories » chez Warner au début des années 2000. Lui aussi continue de prendre des risques pour faire évoluer la musique sur des terrains vierges.
Un minimum de culture musicale, un esprit ouvert et curieux : Cet album est pour vous. Vous avez des repères traditionnels qui vous guideront pour accéder à l’expérimental. Voyez cet album comme une B.O. qui pourrait être celle de « Blade Runner ».
Smadj Spleen (2015, Jazz Village / Harmonia Mundi)***. Sortie le 01/06/15