Dee Nasty

deecovere DJ Dee Nasty vient de sortir un nouvel album intitulé « Classique ». L’occasion pour nous de revenir sur le parcours de ce précurseur qui a fortement marqué de son empreinte l’histoire du hip-hop en France.

Le « méchant » Daniel ouvre son album avec le meilleur titre. « Pour même pas un billet » met en valeur Rocé, rescapé de « la Cliqua » et rapper conscient aux textes forts dans leur contenu, fidèles à ce qu’était le rap à ses débuts. Rocé n’a jamais dévié de cette ligne de conduite, Dee Nasty non plus. Une association très logique d’un point de vu artistique. Un titre très fort.

Avec « Twill », Rachid Taha s’invite pour un titre futuriste qui conviendrait parfaitement à la B.O. d’un « Blade Runner ». Ambiance arabisante electronique. L’electro est la base du « Lady Blue » de Dynamax. Cet electro d’Arthur Baker, celui des années 1980-1986, celui aussi des Shango, expérimental hier, terriblement moderne aujourd’hui.

Dee Nasty rappelle avec « Sweat My Funk » qu’il est un passionné de funk. Connu et reconnu pour son rôle majeur dans l’histoire du hip-hop mais peut être encore plus fort lorsqu’il touche au funk. Ici, l’esprit des Clinton, Bootsy Collins et du P-funk est omniprésent. Un titre qui rappelle le Digital Underground de 1990. Le funk est encore à la base du « Assez Donné » de Tryptik. Mais cette fois, c’est celui des 80’s façon « One Way » qui est à l’honneur. Un titre festif au furieux groove avec un phrasé très old school.

Enfin, sur « Rythm Addict Soul », le fondateur de la « zulu nation » retrouve son « zulu king » français et l’incontournable saxophoniste Manu Dibango. En d’autres termes, Dee Nasty et Afrika Bambaataa avec Dibango sur un même titre, au carrefour entre electro, hip-hop et sonorités cuivrées africaines très urbaines. Intense pendant huit minutes.

Vous l’aurez compris, Dee Nasty offre une synthèse des courants qui le passionnent depuis plus de trente ans. Un lieu de rencontre entre les générations avec le souci d’intégrité, de fidélité aux valeurs des précurseurs. Un album au son urbain et international. Comme il le dit très bien lui-même : « Cet album est ce que j’ai de mieux à offrir à ceux qui s’intéressent à mon travail ».

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L’histoire

Dee Nasty a été le premier, celui qui a influencé et motivé les suivants. Dans les années 80, lorsqu’une poignée d’adeptes du hip-hop se retrouvent le dimanche après-midi dans un terrain vague de Stalingrad, Paris, le DJ c’est lui. A cette époque, la culture hip-hop est loin, très loin, d’être un business ou un marché. C’est l’affaire de passionnés qui se retrouvent dans les valeurs véhiculées par les précurseurs américains. Dee Nasty est le relais français de Kool DJ Herc, Grand Master Flash, DJ Jazzy Jay et quelques autres. Il est le premier français à avoir une technique comparable à celle des américains (il sera champion du monde des DJ) et en plus, on peut le voir en direct. Au terrain vague de Stalingrad sont présents DJ Cut Killer, DJ Jo, une partie des NTM, des graffeurs de renom, bref les futurs stars du hip-hop quand il deviendra un marché juteux pour les maisons de disques et les médias. Et ces stars auront comme modèle Dee Nasty, d’où son incroyable aura pendant de longues années. Le dvd « Writers » montre bien cette période.

writers

Ensuite, Dee Nasty trouve un beau relais dans les radios parisiennes dont Radio 7 puis radio Nova. Grâce à lui, les fans de hip-hop ont accès aux nouveautés les plus fraîches et à l’information. Il faut bien se rappeler ici que radios et télés sont les seuls médias. Ses mix sur ces radios restent des moments inoubliables.

Il est aussi parmi les premiers à sortir un disque de rap avec son acolyte Lionel D., rapper de Vitry. Ils sont peu à cette époque. A ses côtés, on trouve les « New Generation MC’s », Iron 2 et Shoes, les IZB, Sheek, tout cela bien avant l’arrivée des NTM et d’Assassin qui débutent grâce à lui sur Nova.

Mais si Daniel, son prénom, a marqué les esprits grâce au hip-hop, il est aussi et surtout un fin connaisseur de funk, peut être encore davantage. Avec Sydney, autre figure médiatique de télé et radio à cette époque, il est le premier à donner accès à des titres de funk introuvables en France. Voilà pourquoi son nouvel album « classique » comporte des titres comme « Sweat My Funk ».

Enfin, il n’était pas un mauvais graffiti artist non plus.

A la fin des années 80, des artistes en pleine lumière font appel à lui pour des scratchs ou des remixes. Parmi eux, les Rita Mitsouko et Cheb Khaled, entre autres.

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Les années 90 et 2000 seront ponctuées de quelques sorties de disques et de projets marketing associant son nom. En 1999, il sortait le « Nastyest Battle Breaks », en 2002 le projet « DJ All Stars » voit le jour chez EMI. Six DJ pour six mix aux couleurs différentes, du funk à l’electro en passant par le hip-hop. Il est l’un des DJ. Il y aura aussi la compilation « En Mode Funk » avec DJ Bronco suivi du « En Mode Soul Funk » (2010).

Dans les années 2000, il est également en tournée pendant deux ans avec Cachaito Lopez, figure emblématique de la musique cubaine.

En 2015, RFI sait parfaitement qui est Dee Nasty. Le label musical de la radio l’a signé pour un nouvel album, trente ans après ses débuts au terrain vague de la Chapelle.

deecovere Classique (2015, RFI / Rue Stendhal)**

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