IDRIS MUHAMMAD

 Idris Muhammad fut l’un des batteurs les plus samplés de l’histoire de la musique. Ce n’est pas un hasard. Son approche de la batterie était nouvelle, son jeu syncopé terriblement « groovy ».

Mais il savait également incorporer un swing très « blues » ainsi que des « breaks » terriblement funk. Il était un batteur « funk ».

Idris Muhammad, c’est plus de 500 enregistrements dans plusieurs genres musicaux. Il n’avait que 15 ans à ses débuts en 1954. Originaire de la Nouvelle-Orleans, il commence logiquement avec Art Neville et son groupe. Deux ans plus tard, il accompagne Fats Domino, légende du rock, sur le titre « Blueberry Hill ». Puis il joue avec Sam Cooke et Curtis Mayfield. Ensuite, il est sur scène et en studio avec Lou Donaldson, Pharoah Sanders, Roberta Flack, Grover Washington Jr, Bob James, Hank Crawford, Sonny Stitt et Ahmad Jamal pour n’en nommer que quelques-uns.

Ses albums solo ne sont pas nombreux mais leur influence est énorme. Dans les années 1970, le groupe « Tower Of Power » sample ses « beats ». Ses deux albums chez « C.T.I. » sont des œuvres cultes et indémodables.

Leo Morris, son vrai nom, était née à la Nouvelle-Orleans. C’est un autodidacte. Sa famille était proche des Neville, grande figure de la musique de sa ville natale. Il joue pour la première fois avec Art Neville sur « Mardi Gras Mambo ». Il passe des heures à observer Professor Longhair et Ernie K.Doe, entre autres. En 1960, alors âgé de 21 ans, il assure les rythmiques pour le chanteur R&B Joe Jones, autre grand musicien de l’époque, originaire de la même ville que lui.

 En 1966, il se convertit à l’islam. Désormais, Leo Morris sera Idris Muhammad. Pendant un temps, les labels « Blue Note » et « Cadet » continueront à le créditer sous son nom de naissance. La même année, il part en tournée avec Lou Donaldson, géant du label « Blue Note ». Il restera avec lui jusqu’en 1973. Sur « Alligator Boogaloo », « Mr Shing-A-Ling », « Midnight Creeper » et « Everything I Play Is Funky », le batteur c’est lui.

En 1968, il rencontre Galt MacDermot et remporte le poste de batteur pour la comédie musicale « Hair » à Broadway. À nouveau, il multiplie les enregistrements sur des albums qui vont marquer l’histoire du jazz : « Fancy Free » avec Donald Byrd, « Summertime » avec Paul Desmond, « Tell It Like This » et « The Other Side Of Abbey Road » avec George Benson, « Carryin’ On » avec Grant Green

 Deux ans plus tard, en 1970, il signe un contrat de batteur « maison » pour le label « Prestige ». Dans le même temps, il continue avec Horace Silver chez « Blue Note ». 1971 est une grande année. Pour la première fois, il enregistre un album solo. Son « Black Rhythm Revolution » est enregistré avec un septet dont Harold Mabern et Melvin Sparks (pianistes) font partie. Il enchaine deux ans plus tard avec l’album « Peace And Rhythm ». Ron Carter est à la bass. Débuts honorables mais peu marquants. Entre 1970 et 1972, il passe sa vie en studio. Pour lui, bien sûr, mais également pour les autres. Pas moins de 36 albums avec son jeu en deux ans, de Walter Bishop Jr à Bobbi Humphrey en passant par Grover Washington Jr.

 1973 est l’année décisive. Il enregistre l’album « Power Of Soul », œuvre majeur de sa carrière et de l’histoire du jazz. Un terrible « groove » funk, des solo de sax de Grover Washington tout aussi terribles. Randy Brecker et Bob James sont là. « Power Of Soul » impose son style, sa marque. Quatre titres entre 7 et 10 minutes, entre funk et jazz. Les « Beastie Boys » utiliseront une partie du titre « Loran’s Dance » sur leur « Paul’s Boutique ». La même année, il joue sur l’album « Jacaranda » du brésilien Luiz Bonfa : historique. Airto, Stanley Clarke, Ray Barretto, John Tropea et Brecker sont de la partie. Le tout produit par Eumir Deodato. Il enchaine en enregistrant le « Killing Me Softly » avec Roberta Flack.

 1975 : enregistrement de « House Of The Rising Sun », deuxième œuvre majeure. Arrangé par Dave Matthews et Tom Harrell, l’album est produit par Creed Taylor. Il fera date et se vendra pendant des décennies. David Sanborn, Eric Gale et Beck font partie des musiciens. Du funk, un peu de musique brésilienne et de la soul sur une base de jazz. L’album participe à la réputation du label « C.T.I. » Idris Muhammad est populaire auprès des amateurs de funk, de R&B, de jazz et même de rock. Son travail à cette époque aura une énorme influence sur les artistes des années 1990. Il semble inépuisable et donne l’impression d’être partout. Il continue les enregistrements avec Roberta Flack mais aussi avec Gene McDaniels et Dexter Wansel.

Le disco est là. Muhammad réussit à s’adapter à cette vague qui emporte tout sur son passage. En 1977, il sort le très controversé « Turn This Mutha Out ». Certains n’apprécient pas son intrusion dans le disco. Pourtant, DJ, rappers et producteurs s’en serviront allègrement les décennies suivantes. Il joue encore énormément avec les autres et avec son groupe alors composé de Houston Person, David Newman et Hilton Ruiz. Il remet ça en 1978 avec l’album « Boogie To The Top ». Ce sera son dernier album pour « Kudu / C.T.I. ». Idris Muhammad s’adapte aux changements. Bob James l’emploie pour l’enregistrement de « Touchdown », son album de référence.

Dans les années 1980 et 1990, il est musicien pour John Hicks, Nathan Davis, Ahmad Jamal, Ernest Ranglin, John Scofield et Grover Washington Jr, entre autres. Sa dernière œuvre solo (« The Champs ») sort en 2004 sur le label « Sunnyside ». Sur ces deux décennies, il continuera à jouer sur scène et en studio. Pendant un moment, il sera attaché au funk et au disco. Mais il n’oubliera jamais le jazz. En 1980, son album « Make It Count » en sera un bel exemple. Jamais il n’arrêtera de jouer, n’hésitant jamais à aller vers les nouvelles générations, les nouveaux genres.

A partir de 2008, après 35 ans de musique, il devient acteur. Il décède en juillet 2014 dans sa ville natale.

Discographie Sélective

 Power Of Soul (1974, C.T.I. / Sony)*** Acheter

 House Of The Rising Sun (1976, Kudu / Sony)*** Acheter

 You Ain’t No Friend Of Mine (1978, Craft Recording)** Acheter

 Kabsha (1980, Evidence)***

Artistes du même genre ou de la même époque : Tony Williams, Joe Chambers, Dennis Chambers…

 

 

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