Comme les individus, une société tout entière a besoin de repères pour avancer, se construire, se souvenir. David Bowie faisait partie de ces repères depuis presque cinquante ans. Son départ soulève donc forcement des émotions chez chacun d’entre nous car, à un moment ou à un autre, nous avons aimé David Bowie.
Oui, Bowie était dans l’inconscient collectif qu’on le veuille ou non, qu’on ait aimé sa musique ou non. Comme Prince, Madonna, Michael Jackson, Eric Clapton et beaucoup d’autres, il nous accompagne depuis longtemps. On le ne le connaît pas personnellement, ce n’est pas un ami, il n’est pas de la famille mais il est là.
Depuis 1967, cet artiste unique nous avait offert de nombreux classiques, des chansons mondialement connues, des bandes sons pour nos vies, des illustrations de tranches de vie, des souvenirs. Et c’est une force de l’artiste : Durer. Et ils sont peu à avoir durer si longtemps, à avoir briller si intensément. Quoi de commun entre le « Space Oddity » de 1969 et le « Let’s Dance » de 1983 ? La preuve qu’un artiste sait muer pour durer, la preuve d’une intelligence rare qui fait qu’un adolescent de 15 ans danse sur sa musique en 1983 sans connaître le « man who sold the world » de 1970. Et Bowie renouvellera souvent l’exercice. Car les amateurs du génial « Earthling » de 1997, probablement des amateurs du courant « drum & bass » ne connaissaient peut être pas le génial « Let’s Dance » chic de 1983.
David Bowie avait su se renouveler, se nourrissant sans cesse de courants « underground » pour les assimiler, les digérer et finalement les faire siens. C’est aussi puissant que de savoir écrire une belle chanson. Et dans la foulée, il n’hésitait pas à rassembler les artistes, à les aider pour lancer des carrières. Il le fera avec l’un des plus grands vocalistes soul du 20eme siècle, une des plus belles voix du siècle dernier : Luther Vandross. Vandross chantera sur « Young Americans » en 1975. Bowie sera tellement impressionné qu’il l’aidera à rencontrer les bonnes personnes pour assoir les bases d’une belle carrière. C’était aussi ça Bowie.
Alors oui le départ d’un tel génie fait mal ou en tout cas nous touche. Mais ici, pas de tristesse. Rendons hommage à l’artiste génial, à l’homme généreux : Let’s Dance !
[jwplayer mediaid= »10567″] Bowie & Massive Attack.
Discographie selective
Entre 1967 et 2016, Bowie a touché à tout, du « glam rock » à la soul de Philadelphie dont il donnera sa version en passant par le punk, la new-wave, le rock gothique et l’électronique, entre autres. Voici, selon nous, les albums indispensables. Exercice difficile tant le sujet est sensible car rares sont les fans unanimes sur le sujet.
Space Oddity (1969)**. D’abord sorti sous le titre « Man Of Words / Man Of Music », « Space Oddity » est le premier album où il se réinvente avec une musique rock / folk psychédélique. En fait, il essaie plusieurs genres pour trouver celui qui lui convient le mieux. En d’autres mots, il se cherche un peu. Pas beaucoup de cohésion donc mais un disque plaisant avec deux standards de son répertoire : « Wild Eyed Boy From Freecloud » et « Memory Of A Free Festival ».
The Man Who Sold The World (1970)*** . Aucun hit majeur mais un classique de sa carrière. Première collaboration avec le guitariste Mick Ronson (non pas Mark Ronson, Mick ! ! ) et le producteur Tony Visconti. Un mix très particulier, des guitares très heavy pour une musique un peu « bizarre », indescriptible, futuriste. Et pourtant pas tant d’innovations que ça mais une ambiance générale particulière où se mélangent hard, blues, rock psyché et pop. Tout cela en fait un de ses plus grands disques.
Hunky Dory (1971)*** . Bowie revient sur le territoire des « songwriters » avec une musique beaucoup plus folk. Un kaléidoscope pop avec une vraie vision artistique. Une sexualité ambigüe, une musique parfois kitsch et une guitare de Mick Ronson en retrait au profit du piano. Un « Oh You Pretty Thing » pour la communauté homosexuelle et un « Andy Warhol » sombre et très rock. A l’instar d’un Miles Davis pour le jazz, Bowie montre juste une nouvelle voie à suivre pour la pop.
The Rise And Fall Of Ziggy Stardust And The Spiders From Mars (1972)***. ça, c’est du titre d’album !! Ici, Bowie emprunte beaucoup au « glam » rock de Marc Bolan (mais si, le leader de T-rex). Textes paranos, musiques apocalyptiques d’un futur décadent. Des chansons de génie, des sections de cordes, des guitares, des claviers et un sens de la tragédie et de la comédie exceptionnel. Pour la première fois, sa vision artistique et la façon dont il la matérialise donne un gros succès commerciale.
Young Americans (1975)*** . Bowie s’essaie à ce que l’on nommait à l’époque la « Blue Eyed Soul » (on vous a déjà expliqué le terme ici , faudrait suivre !). Il s’inspire fortement de la soul de Philadelphie (ça aussi on vous l’a expliqué ici ) qui mènera au disco. Cet album est un exercice de style. Personnellement, c’est un de mes préférés et je met « chef d’oeuvre » sur cet album. En général, c’est à ce moment là que les fans de Bowie s’emballent et me contredisent…Un bel album, pour éviter les discussions longues et interminables (et Luther Vandross dans les choeurs).
Low (1977)*** . Longtemps avant « Earthling », Bowie explore déjà l’électronique avec un album dense. Synthés dissonants et électronique d’avant-garde, ambiance atmosphérique, un Brian Eno au sommet de sa forme, l’ombre de Kraftwerk…Une nouvelle fois et toujours à l’instar d’un Miles Davis (comme déjà dit si vous suivez bien), Bowie montre une nouvelle voie à suivre pour le rock.
Scary Monsters (1980)***. S’il fallait résumer à l’extrème, ça tiendrait à ça : « l’album de « Ashes To Ashes ». Des gens mal intentionnés disent que c’est son dernier grand disque. Il y a beaucoup d’imbéciles et d’incultes vous savez. Cet album marque la fin de cette immense période dans sa carrière : 1967-1980. Mais trois ans plus tard, ce sera son plus gros succès commercial.
Let’s Dance (1983)**. Dans la vie, face à certains évènements, soit on évite de parler, voir même on étouffe la vérité, soit on la joue franco et on assume. J’opte pour la deuxième solution : J’ai découvert Bowie avec cet album et parce que Nile Rodgers du groupe Chic était là. Avant ça, pour moi, Bowie est un mec bizarre qui se maquille et qui a les yeux de toutes les couleurs. Bref ! Fatiguant ! Comment ? c’est un peu réducteur. Certes ! Mais je me suis rattrapé depuis. On résume simplement : Trois hit mondiaux majeurs : « Let’s Dance », « China Girl » (écrit avec l’ami, le complice Iggy Pop) et « Modern Love ». Bowie remplit les caisses. Un funk post-disco très réussi.
Earthling (1997)*** . En 1997, lorsque vous dites apprécier cet album, vous essuyez un « Ah Ouais ! » ou un « Noooooooon? ». Album génial avec un Bowie qui montre son talent incroyable encore une fois trente ans après son premier album. La « drum & bass » ou « jungle » (pour la définition, c’est là ) vue par Bowie. Une vraie cure de jouvence pour le génie et un titre incroyable : « Little Wonder ». Encore une fois, l’artiste touche un nouveau public, jeune. Un disque intéressant mais un flop commercial à sa sortie. A redécouvrir, je vous assure.
Heathen (2002)** . Un nouveau départ sur « ISO », son nouveau label. Alors celui là sort chez Sony, en pleine conception de la collection « Kind Of ». Question de l’équipe Sony : « T’as écouté le Bowie ? », réponse : « Ouais, bof ! », reréponse : « QUOI ?!?!? Mais t’as pas écouté ?! Y’a Dave Grohl et Pete Townsend (ou Townshend je sais plus), y a un peu de Neil Young et de Pixies dans cet album ». Soit ! Pour beaucoup de fans, son meilleur album depuis « Scary Monsters » mais vous l’aurez compris, je ne suis pas souvent d’accord avec ses fans…
1967-2016 : Il a accompagné en musique des changements majeurs de société, il nous a accompagné. Chapeau bas !