0706195821042016 : Genius.

 prince Il est de ces moments où vous savez sur l’instant que toute votre vie, vous vous souviendrez du lieu où vous étiez et avec qui vous étiez quand ils sont arrivés. Ce soir est l’un de ces moments.

Il y a une vraie différence entre apprécier un artiste, être fan d’un artiste et avoir un artiste pour idole. Pour moi, celui avec qui je partageais la date de naissance (du 7 juin tout les deux à 10 ans d’écart) faisait partie de la troisième catégorie. D’abord fan à l’adolescence, j’ai appris à bien connaître l’artiste et ensuite l’homme avec pour résultat un immense respect et une admiration sans fin.

Mais tout n’avait pas bien commencé. Car enfin, lorsqu’avec mes amis de lycée nous découvrons Prince pour la première fois, les cols à jabot et les chorégraphies comment dire, particulières, nous font plus sourire, voir franchement rire qu’autre chose. Mais, « I Wanna Be your Lover », « Let’s work », « controversy » et « I Feel For You » vont vite nous remettre dans le domaine du sérieux. Puis, Chaka Khan et le rapper Melle Mel avec la reprise du « I Feel For You » vont aussi nous rappeler que Prince a déjà gagné le respect de ses pairs. Ensuite, phénomène « Purple Rain » et on connait tous la suite. Si ce n’est pas le cas, c’est ici que ça se passe.

A titre personnel, Prince m’a apporté beaucoup de bonheur. Ce fut le cas en 1992. Alors fraichement membre de l’entreprise fnac au magasin des Ternes à Paris, j’ai la chance de le rencontrer lors d’un showcase. Il me remettra en main propre le porte-clef logo plaqué or de « love symbol » tiré à 1500 exemplaires qui ne n’a jamais quitté en 24 ans. Mais avant cela, Prince était le sujet de discussions interminables et d’écoutes attentives pendant des heures avec mes potes de lycée comme Walter, Philippe Aho, Victor O ou Philippe tout court ! Puis il y aura le concert choc dont on ne se remet jamais, celui de Bercy et de la scène ronde en 1986.

Ensuite, ce sera le séminaire à Minneapolis pour visiter les studios « Paisley Park » et les studios « Flyte Tyme » de ses potes Jam & Lewis.

Flyte Tyme studiosFlyte Tyme Studios, Edina / Minneapolis.

Et pendant les décennies suivantes, il sera l’occasion pour moi de créer du lien et des amitiés. Car dans les années 2000, son oeuvre sera encore l’occasion d’échanges avec Daïto, Abdel ou Georges. Certains étaient très jeunes en 1981-1982, d’autres très vieux…Ils se reconnaitront !

C’est aussi grâce à lui que je découvre le vrai respect entre artistes. Au début des années 1990 et les années suivantes, lors de mes séjours à New-York, je réalise à quel point les artistes américains sont cruels entre eux. Il n’est pas rare pour moi d’entendre : « Ah bon, tu aimes ça ! ? Ça craint ! » Ou « Quoi, mais elle ne sait pas chanter ! » Mais bizarrement, lorsque « The artist » arrive sur la table, silence religieux et respectueux. Là, rien à dire. C’est un bon test ! Oui, « the artist » était bien « the artist » même pour les artistes, parfois très connus eux mêmes mais je ne les citerais pas.

minneapolis Puis il y aura ces moments jouissifs, si si jouissif, de pouvoir faire des compilations en disposant de ses chansons. Ce sera chez Warner en 2002 avec la possiblité de remplir un cd avec le funk de Minneapolis. Ma façon de lui rendre hommage et de montrer mon admiration. Le CD sera validé par le maitre en personne et par la communauté funk de Minneapolis comme l’un des cd les plus sérieux consacré à leur travail. Pour donner confiance, y a pas mieux !

Prince incarnait tout ce que j’aime dans le milieux artistique. Comme aimait à le dire Miles– dont le concert avec Prince sur la scène de « Paisley Park » est un moment immense de musique- il « cross the line », entendez il va toujours plus loin que ce qu’il sait faire et ne tient jamais en place. Ce sera son leitmotiv toute sa vie. Ensuite, il était plutôt complet : auteur, compositeur, intérprète, producteur, batteur, guitariste, pianiste, bassiste, patron de label, cinéaste et tout cela avec un rythme de production et de création que seul James Brown avait atteint avant lui. Et puis il a crée un style, un genre, le « funk de Minneapolis » ou « purple funk » en hommage à son idole à lui, Jimi Hendrix. Grâce à lui, nous aurons Jimmy Jam & Terry Lewis, The Time, Jesse Johnson, Alexander O’Neal, The Family, Brownmark, Mazarati et aussi et surtout quelques créatures absolument magnifiques, sulfureuses et hyper sexy comme Vanity, Sheila E., Jill Jones, Apollonia 6…

Humainement, il inspirait autant de respect. Que dire d’un homme qui efface les dettes d’une de ses idoles (Georges Clinton) lui permettant également de retrouver le chemin des studios. Que dire d’un homme qui montre son respect à ses glorieux ainés en travaillant à son tour avec eux et leur permettant de vivre encore très bien. Ce sera le cas avec Maceo Parker, par exemple. Il donnera également leur chance à tant de nouveaux talents de sa ville natale ou à des amis d’enfance. Citons Andre Cymone, par exemple. Je pourrais en écrire encore des pages et des pages.

Je suis triste et profondement touché. On ne se remet pas comme ça d’une relation longue de 35 ans, d’une passion longue de 35 ans avec une personne qui était avec vous sinon chaque jour en tout cas chaque semaine. MERCI !

Christophe Augros

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