Choisir trente classiques dans l’histoire du rap ne fut pas chose facile…
A priori, pas facile de choisir trente albums indispensables dans l’histoire de la culture hip-hop. Trente ans de productions intenses avec de multiples changements, de nombreux producteurs et pléthore d’artistes. Sur la période 1979-1985, le choix était clair mais sur la decennie 1985-1995, il était plus ardu. Nous avons opté pour des albums qui ont marqué leur temps et qui ont traversé le temps. Bien sûr Craig Mack, Lords Of The Underground, Black Sheep, Das EFX, Busta Rhyme, Kool Moe Dee et quelques autres ont connu le succès à leur arrivée mais leurs albums se sont perdus dans le temps. Par contre Dela Soul, A Tribe Called Quest ou Grandmaster Flash sont toujours bien vivants dans l’esprit des amateurs de rap et surtout, leur musique est toujours demandée dans les magasins de disques. Voici donc notre selection, les albums à posséder pour bien comprendre l’histoire du rap de ses débuts à aujourd’hui.
Afrika Bambaataa « Planet Rock » (1982). DJ précurseur du Bronx. Son association avec Arthur Baker, DJ de Boston fait mouche. Baker se sert de ses influences electroniques, notamment de « Kraftwerk », pour créer une musique hybride, jamais entendu alors. Ensemble, ils dominent la période 1980-1985 sur le label « Tommy Boy » avec des titres devenus des hymnes : « Planet Rock », « Looking For The Perfect Beat », « Jazzy Sensation » et « Renegades Of Funk ». Bambaataa fait une apparition remarquée dans le film « Beat Street » en 1984. Un mix parfait entre rap et électronique, déjà!
Grandmaster Flash & the furious 5 « The Message » (1982). Le DJ qui a inventé toutes les techniques modernes du genre et la voix de Melle Mel, une des plus puissante de l’histoire du rap. Un texte social pour décrire les conditions de vie des noirs à cette époque. Si on devait choisir un seul titre pour incarner le hip-hop, ce serait celui là. Le plus grand succès du label « Sugarhill » de Sylvia Robinson.
Kurtis Blow « Ego trip » (1984). Le premier rapper à obtenir un contrat avec une « major » (Mercury). Avec Melle Mel, il est la grande voix du rap de la première génération. Son timbre ainsi que son flow était puissant et immédiatement identifiable. Le trio « Run DMC » fait une apparition remarquée. Des textes « ego » et des textes sociaux. Le rap est le premier média des noirs américains à cette époque.
Run DMC « Raising Hell » (1986). Trio le plus populaire de la période 1980-1985 avec les Whodini. La voix de « Run » marque le public rap pour toujours. Ils seront les premiers à mettre du rock dans le rap en 1985 avec le producteur Rick Rubin. Le titre « Peter Piper » présent sur cet album est indémodable.
Eric B & Rakim « Paid In Full » (1987). A leur arrivée, le rap est en plein changement. Fini la première génération : Suivant! Jusqu’ici, le rap c’était une boite à rythme, quelques instruments et la voix emblématique d’un rapper mise en avant. 1987 marque l’utilisation de la soul dans le rap et l’emprunt à d’autres genres même si le sample n’est pas encore inventé. Rakim est « la » voix du rap de la deuxième génération.
Ice T « Power » (1988). Bien qu’originaire de la côte Est des USA, Ice-T incarne l’arrivée sur la scène rap du style « côte Ouest ». Des textes crus sur la vie à L.A. et sur les gangs de la ville. Des textes sociaux dénonçant les traffics de drogues et des emprunts à la soul notamment celle de Curtis Mayfield. New-York n’a plus le monopole.
BDP / KRS 1 « By all means necessary » (1988). Le groupe de Chris Parker alias « KRS 1« . Très affecté par le décès de son ami Scott La Rock, l’artiste entre dans la philosophie pour régler les problèmes de la communauté noire. Un rap très politique qui sera repris par N.W.A., Prince Paul et Public Enemy. Majeur.
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Ultramagnetic MC’s « critical beatdown » (1988). La voix de Kool Keith! Une durée de vie courte pour ce groupe mais une longue influence sur le hip-hop. Le rap « underground » du Bronx du sud.
EPMD « unfinished business » (1989). Eric Sermon et Parish Smith. A contre courant de leur époque, un rap « ego » servi par une production sans failles. L’époque est dominé par un rap militant, Public Enemy et N.W.A. en tête. Ils ne se préoccupent pas de ça et font leur petit bonhomme de chemin. Eric Sermon sera ensuite un producteur redoutable et recherché.
Dela Soul « 3 Feet High & rising » (1989). Un ovni dans le paysage rap de l’époque. Un rap joyeux sur fond de funk et de sample pop. Un producteur génial : Prince Paul. Le « daisy age « est né. Un rap psychadelique proche du « power flower » des années 60-70.
Beastie Boys « Paul ‘s boutique » (1989). Le premier groupe rap composé de blancs. Lorsque le label « Def Jam » est fondé par Russel Simmons, il lance trois artistes : LL Cool J, Public Enemy et les Beastie. Du rap par des blancs pour les étudiants blancs.
Public Enemy « Fear Of A Black Planet » (1990). Chuck D., Flavor Flav’ et les producteurs du « Def Squad ». Un rap militant, « pro black », qui dénonce les dérives d’un système dominé par les blancs. Un retour à la philosophie de Malcolm X.
Brand Nubian « One for all » (1990). Très influencés par Dela Soul et les Jungle Brothers, Sadat X, Grand Puba et Lord Jamar font preuve d’une grande technique vocale, le point fort à cette époque pour vendre. Un rap militant en faveur de l’islam et de l’afrocentrisme. Une autre variante du rap new-yorkais.
A Tribe Called Quest « Low end theory » (1991). La fusion la plus réussie entre jazz et hip-hop et la voix unique de Q-Tip. Le mariage parfait entre intelligence des textes, rythmiques brillantes et « flow » intenses.
Cypress Hill « Cypress Hill » (1991). L’album d’une révolution. Ils sont les premiers « latinos » à connaître un tel succès dans le rap. Ils sont les premiers à rassembler autant de fans rock et de fans rap. Ils créent un son unique copié de nombreuses fois et pendant de nombreuses années. DJ Muggs et B.Real avec de grosses bass, des rythmiques funky lourdes, des sons de claviers stridents et une voix nasillardes (copiée sur celle du précurseur Rammelzee) révolutionnent la sphère hip-hop. Ils ouvrent la décennie 90 de belle façon et mettent une fin brutale au rap des années 80. Avec eux, Los Angeles prend le leadership du rap et pour quelques années.
Gang starr « step in the arena » 1991. Un producteur brillant, DJ Premier et un rapper charismatique, Guru. Un rap sans concession, le son de la rue de New-York à cette époque.
Pharcyde « Bizarre ride II the pharcyde » 1992. Sûrement l’album le plus original et le plus riche d’idées de son temps. La réponse « Daisy Age » de L.A. aux Dela Soul et A Tribe Called Quest. La production de J-Swift est d’une créativité redoutable. Une série de hits inoubliables : « Passin’ Me By », « Soul Flower » et « Yo Mama » en tête.
Pete Rock & CL Smooth « Mecca and the soul brothers » 1992. Un producteur exceptionnel et un rapper charismatique dont la voix est parfaite pour les instrus concoctés par Pete Rock. Des samples de soul, de jazz et de vieux titres de funk. Avec DJ Premier, Pete Rock sera le producteur N°1 du hip-hop au début des 90’s.
Dr Dre « the chronic » 1992. On ne le presente plus. Cet album donne ses lettres de noblesse au rap de L.A.. Cet album crée le genre « G-Funk » qui domine le rap entre 1992 et 1998. La base de travail pour ses productions suivantes avec Snoop et Warren G., notamment. Culte!
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Wu Tang Clan « Enter the wu tang (36 chambers) » 1993. Le collectif new-yorkais qui maintient un haut niveau à New-York face à la vague « G-funk » de L.A. La production de RZA va influencer toute une génération. L’album qui montre la voie à suivre pour les Biggie, Jay-Z, Nas et autre Mobb Deep. Un rap minimaliste avec des cordes, des ambiances sombres et des samples empruntés à des films de « kung-fu ». Unique.
Digable Planet « reachin' » 1993. Une autre fusion réussie entre le « cool jazz » et le hip-hop. Des samples de Art Blakey et Sonny Rollins sur des rythmiques hip-hop plutôt lentes. Un « grammy award » à la clef.
Snoop Doggy Dogg « doggystyle » 1993. Beaucoup de funk, la production de Dr Dre et la voix inimitable de Snoop. L’album du courant « G-funk », l’album du rap de L.A. par excellence.
Common « resurrection » 1994. Et le rap de Chicago a son mot à dire. Un rap « jazzy » et complexe proche des Digable Planet, Dela Soul ou des pharcyde. Le tout avec l’esprit des précurseurs pour les textes. Le contenu compte autant que le son. Un rapper exceptionnel dont la durée de vie sera longue, un talent pur.
Nas « illmatic » 1994. L’album qui permet à New-York de garder la tête hors de l’eau face à la déferlante « G-funk ». Un « classic » produit par DJ Premier, Q-tip, Pete Rock et Large Professor. Tout est dit.
Notorious BIG « ready to die » 1994. L’album qui fait de cet artiste une star et qui envoie le label de Sean « Puff Daddy » combs dans les étoiles. Biggie, c’est d’abord une voix et un phrasé parfait. Des textes profondément encrés dans la dure réalité de l’artiste. Une production parfaite de Easy Mo Bee et des samples de funk 80 comme Isley Brothers ou Mtum.
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Method Man « Tical » 1994. Membre du « Wu-Tang » qui suivra un parcours solo exemplaire. Une extension du style de ce collectif new-yorkais.
The Roots « do you want more » 1995. On fait du bon rap à Philadelphie! Et quel rap! Pour la première fois, un rap acoustique par de très bons musiciens et le retour de la technique « Human beat box » lancée dix ans plus tôt par les « Fat Boys ». Razel en fait un art. Un album, presque un document, sur le hip-hop des débuts, quinze ans plus tôt. Une nouvelle fois, du jazz avec la présence de Steve Coleman et de la chanteuse Cassandra Wilson. Un « ovni » en son temps qui n’a pas pris une ride presque vingt ans plus tard.
2Pac « All eyes on me » 1996. Une forte personnalité, une voix reconnaissable entre toutes et de fortes influences funk. Un duo inoubliable avec Roger Troutman (leader du groupe funk « Zapp ») pour un hymne du rap de la côte Ouest : « California Love ».
Fugees « Score » 1996. La plus forte vente de l’histoire du rap ou comment rendre le rap accessible au plus grand nombre. « The Score » est au rap ce que « Thriller » a été au funk. Trois personnalités accessibles, une voix féminine unique et des références à Bob Marley et Roberta Flack. Le tour de force : Plaire aux afficionados de rap autant qu’au large public. L’album de l’année 1996. Wyclef, Lauryn Hill et Pras trouvent une alchimie parfaite.
Kanye West « My beautiful dark twisted fantasy » 2010. 70 minutes d’une grande complexité. Nous voici bien loin de l’origine du rap. Kanye West compose avec son temps, trente ans après les débuts des précurseurs du rap. Un album aussi complexe que son temps, un coup de génie, le point culminant de sa carrière. Beaucoup de contrastes d’un titre à l’autre, une production de « maniaque » et de la précision dans les textes. La plus belle façon pour le rap d’entrer dans les années 2010.
Christophe Augros.