Planète NAIBU

 Parfois, rarement, on découvre un artiste aussi unique que sa musique. Un artiste dont les compositions et le style interpellent par leur caractère hors norme, loin des shémas habituels. On a pour habitude de désigner ces artistes par le terme, ma foi bien adapté, d’ »ovni ». Naibu est à mettre dans cette catégorie.

Si la musique de Naibu soulève de nombreuses émotions, elle ramène également à quelques références. Ici, la B.O. de « Blade Runner », ici un titre de « AIR« , là un peu de « Bliss« , là encore un peu de DJ Krush…Mais qu’en est-il exactement ? Rencontre.

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 Musiculture : Le public spécialisé te connaît, pas le « grand public ». Alors, pour te présenter un peu : d’où es-tu et quand as-tu commencé la musique ?

 Naibu : Je suis originaire du Val D’Oise en région parisienne et je crois avoir commencé à faire de la musique il y a 15 ou 16 ans. C’est un souvenir un peu vague mais c’est la période à laquelle des amis m’ont montré comment se servir de logiciels pour créer sa propre musique, ce qui est très vite devenu une véritable passion.

 M : Qui t’a donné envie de devenir musicien ? Tes sources d’inspiration.

 Naibu : Des gens comme DJ Shadow et DJ Krush, j’étais complètement amoureux de ce courant que l’on appelait « abstract hiphop« . En gros, des instrumentaux aux samples obscures. C’est ce qui m’a donné envie de fouiller dans la collection de disques de mes parents d’abord, puis chez les disquaires d’occasion etc. pour trouver des sons uniques à exploiter. Le gros point positif avec cette pratique du ‘crate-digging’, c’est que l’on s’expose à une quantité incroyable de musiques aussi diverses que variées. Ce fut pour moi une manière de me faire ma petite culture musicale. Je dois aussi citer Amon Tobin, qui, en marge de ce mouvement « abstract », poussa l’art du sampling à son extreme. Aujourd’hui encore, je me demande comment il faisait certain trucs…Amon fut une très grosse source d’inspiration, tout le coté mystérieux et cinématique de sa musique, ça m’a beaucoup influencé. En parallèle, je découvrais mes premiers amours drum n bass : Adam F, Roni Size, Bad Company, Dom & Roland et tout particulièrement Photek. Même si ma façon de créer est aujourd’hui très différente, toutes ces influences restes bien ancrées.

 M : Ta musique est classée « drum & bass » mais elle va au-delà de ce genre. Te définis-tu comme un musicien ? Comme un « chercheur » qui expérimente ? Comment définirais-tu ton travail ?

 Naibu : Un peu des deux, j’ajouterai ‘bricoleur’ à la liste. Plus j’avance, et moins j’aborde ma musique en tant que ‘drum n bass’. Mon intention, avant toute chose, étant de créer du « beau », que l’on ait envie d’écouter en boucle. Le tempo et l’esthétique de la « drum n bass » ne sont qu’un véhicule pour moi, un format qui me permet de développer mes idées.

 M : L’image semble importante pour toi. Est-ce le cas ?

 Naibu : Elle l’est. Un « artwork » d’album par exemple est essentiel à mes yeux. C’est d’ailleurs une étape que j’affectionne particulièrement. J’aime ce sentiment d’avoir fini un album et de finalement pouvoir lui donner un visage. A mon avis, la musique est totalement liée à l’image, qu’elle soit réelle ou imaginaire.

 M : Parfois tes titres sont basés sur la rythmique (Splitter), parfois davantage sur la mélodie (uncalled) : ces ambiances, dépendent-elle de ton état d’esprit du moment ?

 Naibu : C’est une question d’intention, un morceau rugueux comme ‘Splitter’ joue sur les codes de la « drum n bass », c’est en quelque sorte un exercice de style, voué à exister principalement dans un club, sur une grosse sono. A coté de ça, j’aime créer des choses plus fines et musicales, que l’on va plutôt jouer chez soit ou dans son baladeur. J’essaie souvent d’alterner les styles, pour éviter l’ennui ou la répétition. Après un album orienté club je vais me concentrer sur des morceaux plus doux et vice versa. 

 M : Je vois pas mal de remix portant ta marque. Un remix, c’est un artiste qui fait appel à toi ou toi qui a un coup de coeur et qui propose à l’artiste ?

 Naibu : Les deux situations se présentent, c’est le plus souvent les artistes ou les labels qui demandent, ou commandent un remix. Mais il m’est arrivé de demander directement à un artiste de remixer un de ses titres, lorsque quelque chose me touche dans un original et que j’ai envie de l’entendre dans un autre contexte, de l’amener ailleurs. J’ai deux exemples en tête: le remix de ‘Inversion’ par Kharm et LM1, il y avait une progression harmonique dans l’original que je trouvais magnifique et je voulais en faire quelque chose d’un peu différent, et un peu plus club dans ce cas. Un autre exemple serait le remix de ‘Deeptrain’ par Heavy1, je voulais absolument faire quelque chose avec ses stabs de synthé techno.

 M : En 2018, un artiste comme Naibu procède comment pour faire connaître sa musique ?

 Naibu : J’en fais le moins possible, c’est devenu tellement difficile de sortir du lot, tant l’offre de musique est grande aujourd’hui. Alors je me contente d’entretenir une légère présence sur « Twitter » et « Instagram », d’alimenter ma page « Soundcloud » dès qu’un nouveau projet est sur le point de sortir, et c’est tout. Je laisse le label et les attachés de presse faire le reste au moment d’une sortie de disque. Je crois fermement que la seule différence qu’un artiste puisse faire dans cet océan sonore, c’est avec de la bonne musique, ce qui implique de ne jamais se reposer sur ses lauriers et de travailler dur. Le romantique en moi croit que quand un morceau est bon, il trouve son public quoi qu’il arrive.

 M : Le support physique, c’est important pour toi ?

 Naibu : Oui, c’est très important. Si un projet n’est pas pressé sur vinyl, je garde une sensation d’inachevé. Je suis fan du wav et du mp3, mais pour leur coté pratique uniquement. Toute la musique que j’achète en vinyl, je l’achète aussi en digital et c’est comme ça que je l’écoute, mais il me faut l’objet. La musique n’est pas uniquement de l’air qui vibre, c’est aussi des instruments, du matériel, c’est une expérience tactile pour le musicien qui la crée, et une fois enregistrée je pense qu’il est important que l’on puisse la toucher et la regarder, en plus de l’écouter.

 M : Les projets en cours ou à venir ?

 Naibu : Un nouvel album qui sort le 14 décembre sur « Horizons Music », intitulé ‘Manœuvres’. La suite, comme toujours, est incertaine, mais mijote tranquillement dans mon esprit.

 M : Tu ne peux garder que cinq titres pour le reste de ta vie, lesquels choisis-tu ?

 Naibu : Claude Debussy ‘Prélude A L’Après-Midi D’Un Faune’, Maurice Ravel ‘Menuet’ (Le Tombeau De Couperin), Sergei Rachmaninov ‘L’Île Des Morts’, Dionne Warwick ‘You’re Gonna Need Me’, The Beatles ‘Strawberry Fields Forever’.

 Naibu « Manoeuvres » (2018, Horizons)*** Acheter

D’autres titres ici

Merci à Gaëtan Kraw.

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