Cet artiste-là est blanc dehors et noir dedans. Un homme, un musicien qui comprend l’Afrique comme personne. Il l’a prouvé ces 30 dernières années.
Jean-Philippe Rykiel est parisien de naissance. Musicien, arrangeur et très inspiré, il s’est fait un nom grâce à de nombreuses collaborations avec des musiciens africains. Non seulement il a un savoir immense sur les cultures du continent mais il est l’un des très rares à comprendre le mandingue et le wolof. Parmi ses plus belles réussites, le « Folon » de Salif Keita (1987) et le « Eye’s Open » de Youssou N’Dour (1992).
Jeune, Thelonious Monk sera sa première influence. Il n’a que six ans lorsqu’il apprend le piano. Ensuite, il est envoyé dans une école de musique adaptée aux aveugles. Son premier contact avec l’Afrique a lieu à la fin des années 1970. À cette époque, il est plutôt adepte de rock progressif. Tout change grâce à Federea Agyeman, son ami ghanéen. Ensemble et avec l’aide du saxophoniste Didier Malherbe ainsi que celle du bassiste Winston Berkley, il forme le groupe « Bloom ». Rykiel est déjà immergé dans la fusion des genres. « Bloom » n’enregistrera rien mais il tourne beaucoup dans le réseau des clubs jazz parisiens.
Plus tard, il se fait une place au Sénégal et devient membre des « Xalam », fameuse formation de l’époque. Avec eux, il part en tournée aux USA, Canada et Japon. Il enregistre sur leurs albums « Xalit » et « Apartheid ». Pendant une répétition avec Xalam, il rencontre Salif Keita. La rencontre est déterminante pour les deux hommes. Sur « Folon », sa présence ainsi que celle de Wally Badarou font de l’œuvre un classique.
Sa relation avec N’Dour commence au même moment. Nous sommes au début des années 1980. Leur amitié mènera à l’album « Eyes Open » signé par Youssou en 1993 sur le label « 40 Acres » de Spike Lee. Rykiel est arrangeur de nombreuses chansons avec Habib Faye, claviériste attitré de N’Dour. Il est également souvent sur scène avec eux. Son rôle est encore plus déterminant sur l’album « Guide (Wommat) » un an plus tard. Il assure les programmations rythmiques, les claviers, les arrangements et la production sur plusieurs titres. Son travail sur les remixes de « Undecided » est d’un niveau supérieur et amène la « world music » vers de nouveaux horizons. Avec lui, la musique de Youssou N’Dour gagne en grandeur. La « world music », mélange de musiques traditionnelles et de sonorités occidentales explose en partie grâce à son approche des genres. L’électronique, le « sample » entrent dans les compositions de N’Dour. Sa version « Deep Ambient » de « Undecided » peut à ce titre être taxée de chef d’œuvre. L’équilibre est parfait entre tradition et modernité.
Mais les années 1980 sont aussi l’occasion pour lui de s’exprimer dans le jazz. En 1986, avec Daniel Lanois et Brian Eno, il enregistre le superbe « Power Spot » du trompettiste John Hassell. Son travail aux claviers impose un peu plus son nom. En 1990, il sera encore présent sur le « City : Works Of Fiction » du même Hassell. Ils travaillent ensemble jusqu’en 1994.
Après cette période faste des années 1990, J.P. Rykiel se concentre davantage sur sa carrière en solo. Le ton est donné en 2000 avec son album « Rain Of Blessings : Varja Chants » enregistré sur le label « Realworld » de Peter Gabriel. Fini l’Afrique. Rykiel enregistre avec Lama Gyurme les chants des monastères tibétains auxquels il ajoute sa maitrise des samples, des claviers et de l’électronique. Le résultat est saisissant. Quatre ans plus tard, retour en Afrique pour « Under The Tree ».
En 40 ans, J.P.Rykiel a imposé une esthétique dans la « world music ». Inlassable voyageur, il a su mettre en musique les nombreuses images et émotions qui semblent hanter son esprit, toujours avec le souci de la qualité et de l’innovation.
EN ECOUTE
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