LEE « SCRATCH » PERRY

 Lee Perry, le nom est entouré de mystère, d’excentricité, d’étrangeté…Pourtant, si l’homme n’était pas à un excès près, l’artiste, lui, n’était pas avare d’expérimentations, de recherches et d’innovations. Le reggae bien sûr mais aussi hip-hop et cultures électroniques lui doivent beaucoup.

Personnage haut en couleurs, Lee Perry est indéniablement l’un des plus influents sinon le plus influent artiste reggae. Ses innovations à l’étape du mix, ses effets « reverbs », ses « echos » hallucinants et même l’utilisation du sample bien avant tout le monde posent les bases d’une façon de travailler pour toute une génération. Son style vocal et sa façon d’utiliser les voix sont à l’origine du rap.

Producteur prolifique et chanteur très présent dès le début des années 1960, Lee « Scratch » Perry a joué un rôle fondamental dans le passage de la musique jamaïcaine du « ska » et « rocksteady » au « reggae » moderne. Son titre « People Funny Boy » de 1968 en est une belle illustration.

 the upsetters

Dans les années 1970, il devient le producteur à suivre. Il aide Bob Marley et ses Wailers mais également « The Congos » et Junior Murvin, entre autres. Il enregistre également des albums de « dub », ce genre qu’il a développé, sous son nom et avec son groupe « the Upsetters ». « Upsetters 14 Dub Blackboard » (1973) et « Super Ape » (1976) marquent leur époque. Sa réputation gagne le Royaume-Uni. Il travaille avec les « Clash » élargissant ainsi son public. Ses effets « reverbs », ses arrangements, son travail des guitares, ses innovations sonores sont partout dans le monde « underground » anglais puis en Europe. A la fin des années 1980, le nombre de ses enregistrements est déjà immense. Il forme Mad Professor et Adrian Sherwood au style « dub ». Les futurs membres de « Massive Attack » font partie de ses fans inconditionnels. Plus tard, les « Beastie Boys » feront allégeance au maitre. Dans les années 1990 et 2000, il tourne beaucoup et des leaders de la scène électronique font appel à lui. « The Orb » par exemple.

Lee Perry était née dans un petit village de Jamaïque (Kendal) en 1936. Il débute à la fin des années 1950 avec l’artiste « ska » Prince Buster. Il vend des disques pour Clement « Coxsone » Dodd. Ce dernier l’appelle « petit Perry » en référence à sa taille. Très vite, il se retrouve au centre du mythique « Studio One ». Il est producteur et ingénieur du son. Mais très rapidement, les relations entre lui et Dodd se détériorent et il se dirige vers Joe Gibbs. Relations tendues avec ce dernier. Finalement, il monte son propre label « Upsetters ». La chanson « People Funny Boy » sort sur ce label. C’est une attaque en règle contre Gibbs. Le titre rencontre un succès incroyable sur l’île. Il faut dire que c’est le premier enregistrement à utiliser guitare en boucle, bass lourdes et lentes qui mèneront au « riddim ». On passe ici du « ska » au reggae « roots ».

À partir de là, il sort un nombre incalculable de singles sous son nom ou sous des pseudos aussi variés que Jah Lion, Pipecock Jakxon, Super Ape, the Upsetter ou, le plus connu, « Scratch ». Nombreux de ces singles sont des hits en Jamaïque ou en Angleterre. C’est le cas pour « The Return Of The Django », « Clint Eastwood » et « Vampire ». Il devient incontournable et travaille avec presque chaque artiste de l’île. C’est aussi l’époque ou ses gestes et ses tenues se font de plus en plus outrageux voir délirants.

 « Black Ark » studios

Au début des années 1970, il entend les expérimentations « dub » de « King Tubby ». Il adhère immédiatement à cette forme d’expression. Avec son groupe « the Upsetters », il multiplie les sorties. Il ouvre ses studios « Black Ark ». Là, il enregistre les toutes premières chansons de Bob Marley. Il utilise les « Upsetters », le bassiste Aston Barrett et son frère, le batteur Carlton Barrett. « Duppy Conqueror » et « Small Axe » sont enregistrés à « Black Ark ». Mais Perry revend les bandes à « Trojan Records » et encaisse le cash. Chris Blackwell arrive à ce moment là avec un contrat exclusif pour les Wailers et Marley sur « Island« . Il perd tout. Par la suite, Perry ne cessera d’appeler Blackwell soit « l’anglais blanc » soit « le vampire ». Il l’accuse d’impérialisme. Il aura la même attitude dédaigneuse avec Marley.

Malgré ces soucis relationnels, il continue d’enregistrer, notamment avec les « Clash », des fans de son travail. Ces derniers avaient déjà repris les titres « Police » et « Thieves » que Perry avait produit pour Junior Murvin. Mais sa santé mentale se détériore dangereusement. Il devient plus qu’instable et l’abus de substances telles cocaïne et LSD, entre autres, n’arrange pas ses affaires. Son studio « Black Ark » brûle entièrement. On apprendra plus tard que pendant un délire sous acide, Perry a lui-même allumé l’incendie, persuadé que ses studios étaient possédés par satan. Fatigué, il quitte le métier et la Jamaïque.

 En dépit de ces moments sombres, Perry reste actif. Moins demandé pour ses talents de producteur, il enregistre encore beaucoup en solo. Dans les années 1990, son influence transpire dans le travail de Mad Professor, dans les courants électroniques « Jungle » et « Drum & Bass » et dans le rap. Les « Beastie Boys » lui rendent hommage sur l’album « Ill Communication » et l’utilisent sur « Hello Nasty ». En 1997, « Island » (label du « vampire » Blackwell) sortait « Arkology », une compilation de 3cd consacrée à son travail.

En 2002, il revenait sur le label « Trojan » pour l’album « Jamaican E.T. ». En 2004, « Panic In Babylon » était repris par « White Belly Rats » tandis que son album « Super Ape » était réédité. En 2008, un documentaire américain lui était consacré pour bien mettre en évidence l’importance de son œuvre et surtout son influence majeure. Ensuite, il recevra de prestigieuses récompenses dans son île natale, en 2012 et 2013. Il sera nominé aux « Grammy Awards » en 2014 pour son album « Back On The Controls ».

Il vivait en Suisse avec sa femme et deux enfants. Il s’est éteint à l’âge de 85 ans, le 29 août 2021.

Discographie Sélective

 Cloak & Digger (1972, Orchid)***

 Super Ape (1976, Hip-O-Select)*** Acheter

 Roast Fish, Collie Weed & Cornbread (1978, VP Records)*** Acheter

 The Return Of The Pipecock Jackxon (1980, Honest Jon’s)*** Acheter

 Meets Bullwackie In Satan’s Dub (1990, ROIR)*** Acheter

 Jamaican E.T. (2002, Trojan)** Acheter

 Panic In Babylon (2004, Narnack)*** Acheter

Pour Lionel « Yoyo ». Vous êtes ensemble maintenant…

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