En 1965, le jeune acteur noir Sidney Poitier joue dans un thriller avec Anne Bancroft. Son titre : « The Slender Thread », réalisé par un certain Sidney Pollack. La musique est signée Quincy Jones, alors jeune trompettiste de Lionel Hampton qui a déjà composé quelques musiques pour des séries T.V.
Jones se définit alors comme un jeune, moderne, qui n’a pas froid aux yeux. Pollack lui offre la liberté d’expérimenter hors des limites du jazz traditionnel. Le titre « Big Sir » est annonciateur de ce qui va se passer les années suivantes…
Poitier devient une star avec le film « Guess Who’s Coming To Dinner? » dont le sujet brulant est la relation amoureuse entre un noir et une blanche. Puis il joue un inspecteur de police dans « In The Heat Of The Night », également un gros succès commercial. Grâce à ces films, Poitier devient le noir présentable, acceptable, toléré par la société blanche.
Poitier tourne de plus en plus tandis que Quincy est le compositeur en vu. Mais si Poitier est la preuve qu’un noir peut être accepté par des blancs à Hollywood, la réalité est tout autre pour la plupart des noirs. Elle est très dure. Des émeutes surviennent dans la plupart des grandes villes américaines et les « black panthers » sont très actifs.
Côté musique, Funkadelic, The Impressions, Sly & the family stone, James Brown, artistes noirs majeurs, sortent tous des titres aux textes militants avec un message politique fort. Le tout porté par une musique au groove furieux. Et les ventes sont bonnes, preuve que la demande est forte. Le public noir souhaite de plus en plus que le cinéma, comme la musique, soit le reflet de son quotidien…
Avec l’entrée dans la décennie 70, ce souhait va prendre deux formes. D’un côté l’école Poitier avec un cinéma entre comédie et drame qui laisse des rôles principaux aux noirs. Bill Cosby et Richard Pryor débutent ainsi. La musique de ces films est calibrée pour ne pas faire peur aux blancs. On fait donc appel aux artistes « Motown » ou à des producteurs comme Curtis Mayfield. On entend souvent Aretha Franklin, Gladys Knight ou les Staple Singers dans les B.O. de ces films qui ne reflètent en aucune façon la vie des noirs américains.
D’un autre côté, on trouve des films aux musiques novatrices qui correspondent à la demande des noirs des centre-villes. Des films réalisés par des noirs pour les noirs. Ces films porteront vite le label « Blaxploitation« . Un réalisateur sort vite du lot : Melvin Van Peebles. Son « Watermelon Man » de 1970 (un blanc qui se réveille un jour avec la peau noire) connait un succès commercial immense et lui ouvre les portes Hollywoodienne. Avec d’autres, il écrit et produit des films inaccessibles et incompréhensibles pour un public blanc. Exemple type : « Sweet Sweetback’s Badaaass Song ». Mais si Van Peebles est indépendant pour la production et la réalisation de ses films, il a de nombreux soucis pour la distribution. Beaucoup de cinémas refusent de diffuser ses oeuvres. Il réussit à convaincre quelques salles à Detroit, San Francisco et New-York avec une réaction incroyable. Des queues interminables devant ces salles pour voir les héros et surtout les anti-héros noirs des films de Van Peebles.
Earth Wind & Fire prête spontanément main forte au réalisateur.
Presque simultanément, les studios MGM produisent le même genre de film avec un gros budget. « Shaft » connaît un énorme succès à sa sortie. Le thème musical du film, titre de Isaac Hayes est immortel. Un oscar pour le label « Stax » lors d’une cérémonie inoubliable surtout grâce à la prestation de Hayes.
« Shaft » ouvre les portes pour toute une génération d’artistes. Les Impressions, les Four Tops, Marvin Gaye, Bobby Womack, Curtis Mayfield, James Brown, Allen Toussaint, Roy Ayers, Willie Hutch, Donny Hathaway et d’autres écrivent et composent de grandes chansons pour les films de réalisateurs noirs. Cette industrie est désormais baptisée sans complexe « Blaxploitation ». La production devient très importante. Jusqu’en 1978, la « blackploitation » est puissante. A partir de 1978, la prolifération de films kung-fu série B prend de l’ampleur et l’entrée dans les années 1980 marque la fin du genre.
C’est le succès des musiques qui ramènera un jeune public vers cette industrie. Des réalisateurs comme Quentin Tarantino lui rendront également hommage suscitant un nouvel intérêt pour la « blackploitation » à la fin des années 1980 et dans les années 1990.
B.O. Incontournables
1973 Black Caesar / James Brown
1973 Hell up in Harlem / Edwin Starr
1974 Slaughter’s Rip-off / James Brown
1974 Black Samson / Allen Toussaint
1974 Together Brothers / Barry White
1974 Foxy Brown / Willie Hutch
1974 Truck Turner / Isaac Hayes