Cet homme a marqué la musique de façon irréversible et inoubliable. Son arrivée rime avec « révolution » : Révolution du son urbain, révolution dans la technique de mix, révolution de la culture urbaine. A l’écoute de ses premières productions, le public ne comprend pas. Le son était si neuf et si innovant qu’il en était déconcertant.
Arthur Baker a inventé la musique baptisée « Electro » et influencé toute la génération « Techno ». Il a largement participé au lancement du hip-hop, écrivant les premiers standards du genre au début des années 80 pour le label « Tommy Boy« : Afrika Bambaataa lui doit tout. Ce génie a également découvert et lancé le groupe New Edition (premier groupe d’adolescents calqué sur les Jackson 5 emmené par Bobby Brown) et les Beastie Boys.
Mais son éclectisme et son talent ont également été demandés par les New Order, David Bowie et Lou Reed, entre autres.
Le film « Beat Street », premier film/documentaire consacré au hip-hop –aujourd’hui film culte- porte son empreinte : La B.O. est presque entièrement produite et écrite par lui.
Il a aussi crée des labels dont certaines productions ont fait le tour du monde : En 1985, le « I.O.U. » du groupe Freeez, véritable hymne « electro », c’est lui. Dans les années 80, il signe le grand groupe soul des années 60/70, Stylistics, sur son label « Streetwise ». Grâce à lui, cette formation sur le déclin redore son blason.
Mais Arthur Baker ne s’arrête pas aux années 80. Au début des années 90, en pleine période dominée par l’ « acid-jazz », la « new jack » et le « hip-hop », il lance un nouveau groupe sur le label anglais Dorado : « Brooklyn Funk Essential« marque l’année.
Il avait commencé sa carrière comme DJ, à Boston. En 1979, il part pour New York, la ville où il faut être pour réussir en musique. Il devient une figure de la culture hip-hop alors naissante. Le label « Salsoul » le recrute pour travailler avec le chanteur Joe Bataan. Leur collaboration aboutira à la sortie du titre « Rap-O-Clap-O », standard new yorkais encore en vente presque trente ans après sa création. Mais le succès n’est pas encore réellement au rendez-vous. Arthur Baker décide alors d’un retour chez lui, à Boston.
Son retour à New york sera le chemin vers la gloire, son entrée dans l’histoire de la musique. Il rencontre Tom Silverman (fondateur du label « Tommy Boy« ) et intègre l’équipe du label. En 1982, avec Shep Pettibone –qui deviendra également un grand du mix et des remix- il produit le titre « Jazzy Sensation », inspiré du « Funky Sensation » de Gwen McCrae, pour Afrika Bambaataa. Il enchaîne seul à la production mais toujours avec Bambaataa par le titre « Planet Rock » : Le hip-hop ne sera plus jamais le même grâce à ce son entièrement synthétique très inspiré par Kraftwerk. La jeunesse du monde entier adhère au travail d’Arthur Baker (« Tommy Boy » vend 17000 exemplaires du titre par…Jour !).
La culture musicale la plus importante du XXème siècle, après le jazz et le rock, est lancée. Dans la foulée, il crée le label « Streetwise » et signe les artistes « Rockers Revenge », « Nairobi » et « Cityspeak ». Mais, si ces artistes rencontrent un certain succès dans les clubs, ils n’atteindront jamais le grand public.
Le succès à grande échelle revient en 1982 avec le lancement des « New Edition« , groupe découvert dans sa ville natale de Boston. Le titre « Candy Girl » connaît un succès immédiat. La jeunesse noire a une relève au « Jackson 5 ». Bobby Brown, Johnny Gill et Bell Biv Devoe auront ensuite des parcours artistiques exemplaires (Michael Bivins sera à l’origine de la carrière de « Boys II Men« ).
En 1983, son influence, déjà majeure, continue avec le groupe anglais “New Order”. Les anglais le contactent pour assurer la production de leur titre « Confusion » : Succès international immédiat. La chanson devient un classique pour les clubs les années suivantes et des anglais se retrouvent à nouveau dans les meilleures ventes américaines. Son remix du titre aura le même destin. Arthur Baker impose ainsi une nouvelle esthétique du remix, montrant de nouvelles voies à suivre.
En 1989, après avoir découvert et lancé les Beastie Boys (rien que ça !) avec son ami Rick Rubin et alors que la période dorée du label « Tommy Boy » touche à sa fin, il réunit le grand chanteur/pasteur soul « Al Green » avec les anglais « ABC » et Jimmy Sommerville pour le concept « Arthur Baker & The Backbeat Disciples ». Le succès n’est pas au rendez-vous.
Entre temps, il a également effectué un remix pour le français Etienne Daho. Au début des années 90, il retourne à la production, l’écriture et à son activité de mix. 1994 marquera son retour au succès grâce au collectif « Brooklyn Funk Essentials » : Il produit et réalise leur premier album considéré comme le meilleur. Depuis, il a été moins prolifique et moins exposé développant d’autres activités.
INTERVIEW
C’est avec cet homme là que nous avons rendez-vous pour une rencontre et, avouons le, la réalisation d’un rêve d’enfant, pour faire le point sur hier et aujourd’hui.
Musiculture : Quel rôle a joué “Kraftwerk” dans votre musique ?
Arthur Baker : J’ai vraiment adoré “Autobahn”. J’étais ado lorsque je l’ai entendu dans le magasin de disques où je travaillais. J’ai aussi aimé « Trans Europ Express » que je jouais quand j’étais DJ à Boston, un titre long, bon pour les pauses “toilettes”…De nombreux beats de ce groupe m’ont vraiment soufflé et ont mené à « Planet Rock ». Donc, à l’évidence, ils m’ont influencé mais je n’étais pas un fanatique…J’aimais aussi le chant, les voix. Les chansons, les textes étaient très importants pour moi.
M : Quand exactement avez vous trouvé ce nouveau et incroyable son qui a marqué les années 80 et influencé les générations suivantes ?
A.B. : En traînant dans les studios, toujours avec un temps très limité. J’aimais tous les genres de musiques, tout type de sons et les gens qui m’accompagnaient étaient très ouverts d’esprit bien que de milieux très différents. L’ensemble a abouti à une musique « mutante ».
M : Quand et comment aviez vous rencontré Tom Silverman, Fred Zarr et Jon Robbie ?
A.B. : J’ai rencontré Tom quand il a créé “Dance Music Report” et qu’il écrivait des chroniques de disques pour des artistes indépendants. J’étais le seul mec qu’il connaissait qui avait produit un disque alors il m’a embauché pour travailler avec les « Jazzy 5 » et Bambaataa.
Robie, je l’ai rencontré lorsque nous avons commencé à travailler sur ce qui allait devenir « Planet Rock ». Il est mon plus vieil ami avec mon ex-femme, Tina.
Fred, je suis allé le voir après avoir entendu des titres qu’il avait écrit pour « bc records » de Brooklyn.
M : Au début, aviez vous conscience de l’aspect nouveau et révolutionnaire de votre musique ?
A.B. : J’ai su dès la nuit où je suis rentré avec la version “brut” de “Planet Rock” que nous allions entrer dans l’histoire de la musique. A chaque grand titre que je faisais, je le savais immédiatement, arrogance de jeunesse…
M : Avec le recul, quelles ont été vos erreurs à cette époque ?
A.B. : Trop de cocaïne, trop arrogant et trop de conseils pourris en affaire.
M : Qui voyez-vous comme « Arthur Baker » des années 2000 ? Qui est précurseur aujourd’hui?
A.B. : Paul Epwoth réalise de grands titres “dance/rock”, James Murphy, les Neptunes…
M : Par le passé, vous avez créé vos propres labels : Quels souvenirs en gardez-vous ?
A.B. : Mauvais souvenirs de mauvais “business plans”, mauvais partenaires, excès de drogue… Un de mes partenaires était Morris Levy, celui qui a servi de modèle au personnage de “Hesh” dans les “Sopranos”… Je traînais avec ces types comme une âme en peine vers 1985-1986.
M : De quoi êtes vous le plus fier ?
A.B. : Du projet “Sun City” qui a mis davantage en lumière le problème de l’Apartheid.
M : Aujourd’hui quels sont vos liens avec l’équipe des débuts ?
A.B. : Très minces. Je voie Tom de temps à autre lors d’évènements, j’ai été DJ avec “Bam” pour la tournée des 20 ans du label “Tommy Boy”, j’ai vu Rick pour la dernière fois il y a huit ans, Robie et moi sommes toujours de très bons amis.
A.B. : J’ai mixé un titre pour “gossip”. Je travaille constamment de nouveaux titres et je veux sortir un album pour début 2011. J’ai un restaurant dans le quartier « Nottinghill » de Londres dont le nom est « Harlem » qui est presque entièrement tenu par des français ou des francophones et qui est plein à craquer tous les week end à l’heure du déjeuner, remplis d’expatriés français affamés ! Nous avons aussi une boutique dans le bas de Harlem avec des fringues très « fashion » pour femmes avec, notamment, la ligne de vêtements « Felder Felder » de ma petite amie. J’organise également les fêtes « Return To New York » dans le monde entier et je suis régulièrement DJ.
M : Dans les années 80, vous aviez réalisé un remix du titre “Tomber Pour la France” pour Etienne Daho :Quels sont les projets avec des français, des anglais ou d’autres artistes étrangers?
A.B. : J’ai discuté avec un groupe français du nom de “Playground” et j’ai retrouvé Anna Pigale, que j’avais déjà rencontré à la fin des années 80. Mon retour dans les « Nuits de New York » a récemment mis en lumière « Justice » et « Uffie », managé par Pedro Winter. J’ai toujours pensé que les artistes français n’avaient jamais été remerciés pour la création du disco (« Discothèque », un mot français, non ?). De Cerrone, Don Ray, Alec Constandinos, Manu Dibango aux Daft Punk et leurs potes, vous, les mecs, savez y faire depuis des décennies pour envoyer de la bonne « dance music » !
L’interview est de toi?
Chanceux 🙂
Oui!
This was one of the best things I’ve ever seen.
yes, me too.