PUBLIC ENEMY N°1, 1, 1.

 Aussi influant que controversé, Public Enemy a marqué les année 1980 et 1990 par un discours très politisé et par une qualité de production exceptionnelle.

Les Débuts

Musicalement, Public enemy dispose de plusieurs points forts indéniables : La qualité du rap de son leader « Chuck D » d’une part, la qualité de la production du « Bomb Squad » d’autre part et la qualité des textes, différents et très politisés, enfin. Le groupe se nourrit des Run DMC pour la musique et du « BDP » de KRS 1 pour les textes. Avant leur arrivée, le rap est soit « ego-trip » (je suis le meilleur), soit social. Seul KRS en fait une arme politique.

 Chuck D

Les Public Enemy entrent par la grande porte avec un rap politisé révolutionnaire. La voix baryton, puissante, déterminée et autoritaire de Chuck D est parfaite pour le contenu des textes. La communauté noire écrasée par la violence, les bavures policières et la misère a un nouveau haut-parleur. Du coup, Public enemy montre une nouvelle direction pour toute l’industrie du hip-hop. La conscience « pro-black » devient dominante. L’ »afro-centrisme » gagne la culture hip-hop dans la musique et dans la mode. Grâce à eux, le label « Def Jam » de Russel Simmons prend le leadership et gagne des millions de dollars.

Musicalement, l’équipe de production « Bomb Squad » installe une qualité de son qui lui vaudra une entrée dans le « Rock and Roll Hall Of Fame ». Il faut dire que là encore les Public enemy sont révolutionnaires. Beaucoup de sons utilisés sont avant-gardistes pour l’époque, les techniques de mix également. Les samples sont précurseurs, les sirènes stridentes omniprésentes et les beats sont brillants et très funky. Tout cela abouti à une musique chaotique, hypnotique et enivrante parfaite pour des textes activistes.

À côté du charismatique Chuck D, le comique et absurde « Flavor Flav » focalise également l’attention. Ses lunettes grotesques, trop grandes, son énorme horloge autour du cou apportent un peu de 2eme degré au discours. Avec son « It Takes a Nation Of Millions To Hold Us Back », les Public enemy marquent l’année 1988 et déclenchent de multiples controverses. Public Enemy dérange le pouvoir en place. Le « Fight The Power » de l’album « Fear Of a Black Planet », utilisé par Spike Lee dans son brulot « Do The Right Thing », enfonce le clou.

Chuck D alias Carlton Ridenhour forme « Public Enemy » en 1982. Il n’a que 22 ans. Étudiant en design et graphisme à Long Island, New-York, il est aussi DJ résident sur les ondes de la radio WBAU. C’est là qu’il rencontre Hank Shocklee et Bill Stepney. Ils ont tous deux passions communes : hip-hop et politique. Les trois amis concoctent un « Public enemy N°1 » renversant pour l’époque. Tout amateur de rap vous le dira. Rick Rubin, producteur fameux et co-fondateur de « Def Jam » entend la demo du titre de « Chuckie D » (son pseudo à ses débuts) dans l’émission radio de Stepney. Rubin souhaite le signer rapidement. Au début, Chuck D est hésitant. Finalement, il trouve un concept révolutionnaire. Il embauche Shocklee comme producteur et Stepney pour la promotion. Norman Lee Rogers alias « Terminator X » et Richard Griffin alias « Professor Griff », membres de « The Nation Of Islam » rejoignent le groupe. Puis « The Security Of The First World », danseurs, agrandissent le collectif. Chuck D demande également à son vieil ami William Drayton d’être le deuxième rapper. Il accepte sous le pseudo « Flavor Flav ».

 Flavor Flav

La Grande période

1987 : cette équipe sort l’intriguant « Yo ! Bum Rush The Show » sur « Def Jam ». Pochette et contenu ne correspondent à rien de connu. Critiques et afficionados de la culture hip-hop adhèrent immédiatement. Mais le milieu du rock ignorent royalement cette sortie. Il lui sera impossible d’ignorer l’oeuvre suivante. « It Takes a Nation of Millions To Hold Us Back » est dense, chaotique, avant-gardiste, sombre mais terriblement funky. Cette fois, monde du rap et critiques rock adhèrent même si la bande de Chuck D dérange une partie de la population blanche. « Rebel Without A Pause » met le monde du hip-hop sans dessus-dessous et devient vite un classique du genre.

Chuck D joue avec la controverse. Il déclare que le rap est désormais le « CNN » des noirs. Les textes de Public Enemy sont disséqués par les autorités et par certains médias. Certains lui reprochent son soutien ouvert et pleinement assumé à Louis Farrakhan, leader des « Black Muslim ». Sur « Bring The Noise » notamment. Quand au « Fight The Power » de 1989, ouvertement (c’est le moins qu’on puisse dire) critique envers Elvis Presley et John Wayne, deux piliers de l’Amérique blanche, il met la controverse au niveau supérieur (« Elvis was a hero to most but he never meant shit to me you see, straight up racist that sucker was simple and plain. Motherfuck him and John Wayne »…). Professor Griff finit le boulot dans une interview donnée au « Washington Times ». Ses propos jugés racistes sont un outrage inadmissible pour de nombreux médias. C’est l’époque où Public enemy n’est plus remarqué pour la qualité de sa musique mais pour ses propos. Crise majeur : Chuck D renvoie Griff puis le réintègre avant d’annoncer la fin du groupe…

Finalement, Griff est définitivement renvoyé et le groupe commence à travailler sur un troisième album. « Welcome To The Terrordome », nouveau single tiré de « Fear Of The Black Planet », sort en 1990. « 911 Is A Joke », autre single de l’album, entre dans le top 10. La controverse ne nuit pas au succès commercial. Au contraire…

1991 sera l’année du « Apocalypse 91…The Enemy Strikes Back ». Le groupe ré-enregistre « Bring The Noise » avec le groupe metal « Anthrax », histoire d’accrocher un peu plus le public blanc. L’album entre directement N°4 des ventes pop. Mais Public Enemy perd une grande partie de son public rap à cette époque. Il faut dire que Cypress Hill est entré dans la danse. Dela soul, A Tribe Called Quest et jungle brothers aussi…De plus, Flavor Flav connaît des soucis à répétition avec la justice.

En 1992, la compilation « Greatest Misses » sort dans une grande indifférence. Silence du groupe en 1993, année de l’explosion Wu-Tang Clan.

La Fin

Chuck D et ses potes reviennent en 1994 avec « Muse Sick n Hour Mess Age ». L’album entre à la 14eme place des ventes pop aux USA mais il reste peu de temps dans le top. De plus, aucun single ne voit le jour. Flavor Flav fait son possible pour sortir de son addiction à la drogue. Chuck D affronte de sérieux problèmes avec « Def Jam ». Il annule la tournée du groupe en 1995 et crée son propre label.

Désormais, la grande période Public enemy est derrière. Chuck D sort son autobiographie à l’automne 1997. La même année, il réunit le « Bomb Squad » pour travailler sur trois albums. 1998 est celle du retour avec Spike Lee pour la B.O. de son film « He Got Game ». Public Enemy quitte « Def Jam ». Il faudra attendre 1999 pour assister à la sortie de « There’s A Poison Goin’ On », septième opus.

Ensuite, des inédits, des live, de rares albums -dont un excellent « Rebirth Of a Nation » concocté avec le rapper « Paris » en 2006- des tournées et bien sûr le concept « Prophets Of Rage » installé avec les Rage Against The Machine et B Real.

Trente ans après leurs débuts, les P.E. sont toujours là. Pour tout amateur de rap, impossible de nier l’importance de leur passage dans la culture hip-hop.

Impossible également d’oublier le lieu où j’étais à la première écoute de « Rebel Without a Pause » tant l’effet est profond, ni les sauts, que dis-je, les bonds d’un certain Crazy JM à chaque fois que DJ Dee Nasty jouait ce titre. C’est dans l’ADN de la culture hip-hop et dans le mien.

Discographie Selective

 Yo ! Bum Rush The Show (1987, Def Jam)*** Acheter

 It Takes a Nation Of Millions To Hold Us Back (1988, Def Jam)*** Acheter

 Fear Of a Black Planet (1990, Def Jam)*** Acheter

 Apocalypse 91…The Enemy Strikes Back (1991, Def Jam)*** Acheter

 Muse Sick N Hour Mess Age (1994, Def Jam)** Acheter

 He Got Game (1998, Def Jam)** Acheter

 There’s a Poison Goin’ On… (1999, Atomic Pop)**

 Revolverlution (2002, In The Paint)** 

 New Whirl Odor (2005, SlamJamz)* Acheter

 Public Enemy featuring Paris Rebirth Of a Nation (2006, Guerilla Funk)** Acheter

Artistes du même genre ou de la même époque : Boogie Down Production, Eric B.& Rakim, EPMD, Paris, Kool G Rap & DJ Polo, Lakim Shabazz, X Clan, Grand Puba, Ice-T, Ice Cube…

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