ALEX BUGNON, le « petit suisse » devenu grand.

  Alex Bugnon, tout amateur de jazz connait le nom de ce pianiste dont la carrière a débuté à la fin des années 1980.

Nous passerons vite ici sur les aspects « bio » qui ont été répétés de nombreuses fois, du genre, il est le neveu de Donald Byrd, a grandi en Suisse près de Montreux et bla bla bla et bla bla bla…

Intéressons nous plutôt à son parcours. Son premier album solo voit le jour en 1988. « Love Season », titre de l’album est signé sur le label « Orpheus » des frères Huggins déjà responsables des carrières de Lillo Thomas, Melba Moore, Freddie Jackson, Paul Laurence…Lorsque Charles et Beau Huggins décident de conquérir le marché du jazz, c’est avec le saxophoniste Najee et le pianiste Alex Bugnon.

Remettons un peu le contexte de l’époque en place. En 1988, le monde de la musique et particulièrement celui du jazz est encore sous le choc de l’album « Tutu » de Miles Davis. Une fois encore, Miles montrait la direction à suivre pour le jazz : Une fusion avec le funk, une fusion entre acoustique et programmation. Fini le « jazz-rock » des 70’s, bienvenu dans le jazz des 80’s et 90’s.

C’est dans cette brêche qu’Alex Bugnon s’engouffre pour son premier album. Toute la nouvelle génération de musiciens jazz new-yorkais est là. Du batteur Poogie Bell, son grand ami au guitariste Keith Robinson en passant par le saxophoniste Vincent Henry et Rahni Song, producteur et grand spécialiste du synthé « fairlight » de la côte Est. Ces artistes auront ensuite des parcours solo exemplaires.

imagesPoogie Bell

Alex Bugnon est un passionné de jazz mais aussi de funk et ça s’entend ! Il a grandi avec les Ohio Players, Roger Troutman, Gap Band et d’autres grands des 70’s. Tout au long de sa carrière, ces influences seront palpables dans sa musique. Il apprécie aussi Kashif et le groupe « Change« . Il travaillera d’ailleurs avec des membres de ce dernier groupe.

En parrallèle à une carrière solo de 25 ans qui dure encore, il sera également producteur, musicien de studio pour d’autres ou compositeur. Ce sera le cas avec Keith Robinson, Keith Sweat, Najee ou les Force MD’s, entre autres. C’est ici qu’il est utile de rappeler ses origines européennes car rares sont les suisses ou français qui ont su pénétrer le marché US et durer. Très rare même.

Ses albums solo

* Bien, **Excellent, ***Indispensable.

alex (1988, Orpheus)**

Unknown-1(1990, Orpheus)**.

 Un deuxième album est toujours un risque après un énorme succès. Deux ans après « Love Seasons » et après une tournée avec Keith Sweat, Alex Bugnon revient avec les fidèles (Poogie Bell, Keith Robinson), une partie du grand groupe funk « Change » (Mike Campbell, Vincent Henry) et une partie de l’équipe de tournée de Keith Sweat (Jenny Douglas, Artie Reynolds, Bobby Douglas). Une belle reprise du « Any Love » de Luther Vandross, un titre avec l’oncle Donald Byrd (« Winnie ») et un « Dance Of The Ghosts » très réussi. Grosse différence avec l’album precedent : La touche gospel. Mais la production est le point faible de cet album, à mon avis.

Unknown (1991, Orpheus)***.

L’absence de Rahni Song pour « Head Over Heels » s’était fait sentir. Son retour sur ce troisième opus est fortement apprécie par les fans du pianiste et le niveau de la production est nettement meilleur. L’accent est davantage mis sur le « groove » avec la présence de deux bassistes d’exception qui ont marqué l’histoire du jazz : Victor Bailey et Victor Wooten. « The Lone Crusader » est un grand titre dans la carrière de Bugnon. Mais le monsieur n’oublie jamais les mélodies, son point fort. « Somewhere » est superbe. A noter la présence de son frère Cyril au saxophone sur le somptueux « So In Love ». Ce dernier passera à l’écriture sur l’album suivant. Enfin, un titre funk magnifique à placer dans la lignée des productions de Kashif ou Paul Laurence avec un son « à la Change » : « Heart Of New-York » et la terrible ligne de bass de Victor Wooten. Un excellent cru dans la carrière de Bugnon.

images (1993, Orpheus)**.

L’album où Alex Bugnon se dirige davantage encore vers le funk et le « hip-hop ». Les amateurs de la célèbre « TR 808 » trouvent leur plaisir sur les titres chantés par Regis Branson. « So So Happy », « The Heart Song » et « This Time Around » sont à placer dans la lignée des « Change », « BB & Q Band » ou « Loose Ends ». Bugnon utilise le hip-hop sur « Klook Mop », écrit avec Poogie Bell. « Dasheen  » est un superbe titre écrit avec son frère Cyril après un séjour à St Lucie. Une nouveauté par rapport aux oeuvres précédentes, des interludes très « classiques » avec une section de cordes menée par Hervé Legrand. Pour l’équipe, on ne change pas une équipe qui gagne : Victor Bailey (bass), Mike Campbell (le guitariste omniprésent sur les productions funk des 80’s), « tonton » Donald Byrd mais aussi la vocaliste Audrey Wheeler également omniprésente sur les albums funk des 80’s avec Cindy Myzelle. Seul titre qui n’était pas indispensable, la reprise du « I Will Always Love You » de Dolly Parton, hit mondial pour Whitney Houston.

 Alex Bugnon et Regis Branson pendant le mix de l’album « This Time Around », New-York, 1993.(photo christophe Augros)

 Alex Bugnon et son groupe, Atlanta, 1993.(photo : christophe augros)

Unknown (1995, RCA/BMG)***.

Un album « accouché » dans la souffrance. De nombreux changements pour cet album à commencer par le label. Fini « Orpheus », label des débuts. Cet album voit le jour chez BMG. Fini le funk ou la fusion. Cet album est résolument jazz à deux exceptions prêt. On resserre les rangs sur les fidèles, les amis. Une production irréprochable. A sa sortie, beaucoup, dont je fais partie, regrette ce virage trop jazz « classique ». Mais vous savez quoi? Avec le temps, cet album est mon préféré! Intemporel, il ne peut être attribué à une époque. Du jazz, avec des mélodies aussi somptueuses que les balayages de Poogie. Beaucoup d’émotions comme sur « Yaslyn », composé pour sa fille ou sur « Sunrise ». « Tosma », instrumental piano / clavier est un écho à « Somewhere ». Monsieur Bernard Wright (claviers), fidèle de Marcus Miller et artiste solo, intègre l’équipe. Un seul titre « funk » : « Sound Of Music » avec le géant « D-Train«  au chant. Un titre funk hommage au label « Prelude » qui rappel l’amour d’Alex Bugnon pour le funk. Pour le reste, Poogie, Keith et Vincent sont fidèles au poste. Somptueux!

as promised (2000, Narada)***.

Cinq ans sans album, c’est long pour un artiste. 2000, c’est le début de la crise du disque, la fin de la fête. Désormais, il faut changer de stratégie surtout dans un monde musical qui éclate en mille morceaux. Cette année là, Alex Bugnon revient avec son album le plus réussi si l’on résonne en terme de « groove ». Cet album est un peu R&B, un peu funk, un peu jazz mais le groove suinte sur chaque titre. David Delhomme et Phil Davis font leur entrée à l’écriture ainsi que de grands noms des 80’s et 90’s. Christopher Williams qui a marqué le R&B des 90’s avec ses albums solo chante sur « All That I Can Say », Angie Stone ,ancienne star du rap et artiste R&B des 90’s (son album « Black Diamond de 1999 est juste magnifique) prête sa voix sur « Won’t Be A Fool » et l’on retrouve aussi le percussionniste Bashiri Johnson (musicien très prolifique des 80’s) ainsi que Hubert Eaves IV (grand du funk) et d’autres. Cet album est une réussite totale, à posséder absolument.

alex purpose (2001, Narada)*.

Du bon et du moins bon. Encore une fois, le pianiste nous montre à quel point son éducation funk est importante, surtout son goût pour Earth Wind & Fire. Les titres « Rio.com » et « Changes » sont à l’évidence très inspirés du travail de Maurice White. Sa reprise du « In a Sentimental Mood » de Duke Ellington est d’une grande beauté et permet à ma génération de découvrir ou redécouvrir le travail de ce géant. Mais, la reprise de « Giant Steps » de Coltrane est plutôt moyenne. Dans l’ensemble, un album qui ne reflète pas du tout le talent et le potentiel de ce pianiste. Si vous souhaitez découvrir sa discographie, ne commencez pas par cet album.

alex southern (2003, Narada)*** Direction le Sud!

Alex Bugnon est un new-yorkais dans l’âme. ok! Il a grandi en Suisse et connaît bien la France mais son coeur est à New-York. Pour la première fois depuis ses débuts, il se dirige dans une autre région pour enregistrer et, peut être, pour trouver l’inspiration. Il s’entoure de la crème des musiciens de la région comme le bassiste Ronnie Garrett, le batteur Sonny Emory ou la chanteuse Tiffany Davis. « Missing You Like Crazy », « 108° Degree », « Cascade » et « Sweetwater Creek » sont des réussites. Un album chaud, funky, exotique et élégant. Très bon cru.

alex free(2005, Narada)**. Dernier album pour le label « Narada ». De terribles riffs de saxophone de Vincent Henry (sur « Free » notamment), des sons de trompette « mute » de Melvin Miller assez innovants et un album varié. Tout cela avec un « groove » mid-tempo caractéristique du style Bugnon. Bel album mais peut être trop classique.

bugnon last(2010, Xela Prod.)***. Alex Bugnon est libre, comme précisé sur l’opus précédent. Désormais, il maitrise tout et ne subit plus rien. Un album aux mélodies magnifiques, à l’ambiance générale joyeuse et optimiste. La joie de jouer de son équipe est palpable sur chaque titre et ça tourne! Normal, vingt ans que cette équipe est soudée. VincentKeith, Poogie et Victor sont là depuis toujours. C’est une autre caractéristique de ce musicien : La fidélité en amitié. Superbe, dans la lignée d’un « Tales From The Bright Side ».

harlem Harlem (2013, Xela prod)***

Christophe Augros.

One comment

Leave a Reply

Votre adresse e-mail ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *

Ce site utilise Akismet pour réduire les indésirables. En savoir plus sur comment les données de vos commentaires sont utilisées.